Croquant
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Nous en sommes là : avec une extrême droite aux portes du pouvoir et qui a failli l'emporter. Qui gagnera si on n'engage pas tous les moyens pour l'empêcher. Or cette extrême droite est féroce : elle n'a rien abandonné de son racisme ni de sa violence, malgré ses tentatives pour se respectabiliser. Ce livre examine son programme et ses stratégies, la machine médiatique qui lui sert de marchepied et le pouvoir en place qui ne cesse de la favoriser en imitant son projet. Mais l'analyse ne suffit pas : battre l'extrême droite exige non seulement de comprendre ce qu'elle est, avec ses mensonges, ses faux-semblants et ses mesures de régression sociale, mais aussi de proposer une alternative véritable, qui aide à se fédérer. D'urgence : remettre la honte au racisme, miser sur la solidarité et considérer nos vies à égale dignité. Ludivine Bantigny est historienne. Elle a publié de nombreux livres d'histoire sociale et politique parmi lesquels La France à l'heure du monde (Seuil), 1968. De grands soirs en petits matins (Seuil), Révolution (Anamosa), La Commune au présent. Une correspondance par-delà le temps (La Découverte) et Une histoire globale des révolutions avec Quentin Deluermoz, Boris Gobille, Laurent Jeanpierre et Eugénia Palieraki (La Découverte). Ainsi que des essais : Face à la menace fasciste avec Ugo Palheta (Textuel), L'ensauvagement du capital (Seuil), Que faire ? Stratégies d'hier et d'aujourd'hui pour une vraie démocratie (10/18).
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Culture du viol : on entend de plus en plus souvent l'expression dans le débat public à la faveur des affaires médiatisées depuis les débuts de #Metoo. Souvent mal comprise, elle ne signifie pas que nous vivrions dans une société qui s'assumerait pro-viol. Elle désigne un phénomène bien plus insidieux et complexe, qui nous place dans une situation de dissonance cognitive lourde de conséquences individuelles et collectives, politiques et esthétiques. D'un côté, nous nous pensons acquis aux valeurs d'égalité et de liberté dans les relations sexuelles et affectives entre les hommes et les femmes. De l'autre, nous baignons dans des représentations stéréotypées qui, tout en dénonçant le viol, invisibilisent, normalisent et érotisent des formes de violences dans les rapports sexuels et les relations affectives hommes/femmes. Or, les productions culturelles jouent un rôle clé dans la perpétuation de cette injonction paradoxale. Les plus dangereuses ne sont pas celles qui affirment des valeurs misogynes, mais plutôt celles qui dénoncent les violences tout en étant fascinées, et celles qui les maquillent en amour comme en humour. Cet essai interroge donc le rôle des oeuvres - toutes les oeuvres, les grands classiques d'hier comme la pop culture d'aujourd'hui - et tous les genres (littérature, cinéma, musique, théâtre) - en explorant les diverses stratégies esthétiques, explicites et implicites, qui façonnent nos imaginaires, nos regards et nos désirs. Pour sortir du déni et avec la conviction que de nouveaux modèles de relations sexuelles et affectives sont possibles.
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Palestine : Vérité et justice
Azmi Bishara
- Croquant
- Sociétés Et Politique
- 10 Décembre 2024
- 9782365124546
Paru en anglais en 2022, cet ouvrage constitue une analyse majeure de la genèse et de l'évolution du conflit israélo-palestinien, écrit par l'un des intellectuels palestiniens qui connaît le mieux la scène politique israélienne. Il offre ainsi des outils de compréhension des logiques structurelles du conflit encore à l'oeuvre aujourd'hui.
En partant des paradigmes de settler colonialism (colonialisme de peuplement) et d'Apartheid, Bishara examine la manière dont Israël est parvenu, depuis 1948, à imposer sa politique du « fait accompli ». Il décrypte les stratégies discursives, coercitives, diplomatique, économique, qui ont permis à Israël de s'imposer par la force. Il renverse ensuite l'intégralité des récits, aussi bien des mythes fondateurs d'Israël que des discours militaires et diplomatiques, pour analyser le traité Trump-Netanyahou et d'examiner le rôle de l'administration américaine dans cette politique du « fait accompli».
Azmi Bishara illustre parfaitement ce tournant sémantique et analytique qui consiste à bouleverser les récits dominants et sortir la question Israélo-palestinienne de son prétendu exceptionnalisme, en la comparant avec d'autres situations coloniales. Cette grille de lecture comparatiste reste pourtant à la marge en France, à rebours des évolutions en cours dans notre société, qui continue de privilégier des lectures présentistes focalisées sur l'« affrontement » et le « processus de paix » entre Israéliens et Palestiniens.
Cet ouvrage permet de répondre à une demande sociétale de renouvèlement analytique. En ce sens le livre d'Azmi Bishara offre une utile synthèse pour tous ceux qui souhaitent saisir les ressorts de la domination israélienne y compris sur le temps long. -
Les psychiatres sont des lanceurs d'alerte car ce qui est dit dans le cadre intime de la consultation devient un phénomène de société peu de temps après. Depuis plusieurs années j'alerte sur les discours haineux venant d'une minorité très audible qui divisent une majorité qui cohabite et aux yeux de laquelle le métissage est une évidence en France, de plus, un Français sur trois a un lien direct avec l'immigration, apurement dit avec l'altérité. Et cela malgré des discriminations ethniques qui existent depuis la colonisation et persistent car les politiques ne se sont jamais emparés sérieusement de cette question pour faire de tous les Français des citoyens égaux sans exceptions, malgré la mobilisation de bon nombre d'entre eux. Réduire les inégalités, répondre aux crises économiques est travail de très longue haleine et qui nécessite intelligence, connaissance et efforts. Or, la bêtise a été banalisée tout autant que la réflexion. Alors, il est plus aisé pour les responsables de trouver un bouc émissaire. Ce sera l'étranger. Certains politiques et médias ont alors imposé le sujet de l'immigration à travers des stratégies insidieuses mais sûres qui aboutissent à la situation paradoxale dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui : c'est-à-dire une division des Français alors que nous sommes tous conscients que nous ne pouvons nous passer les uns des autres. Les expressions de haine étant plus faciles à exprimer, car primaires et moins élaborées que celle de la fraternité, de la solidarité ou de l'amour, elles sont aujourd'hui exprimées de façon décomplexée et blessent les personnes attaquées. Mon métier de psychiatre me donne l'avantage d'une écoute particulière qui libère souvent des paroles et permet des associations d'idées, qui, autrement, n'auraient jamais été prononcées. Les individus agressés se demandent : Pourquoi tant de haine, pourquoi être considérés comme un problème alors qu'ils font partie de la solution ? Depuis quand ? Comment se sortir de ce cercle pervers qui parfois poussent les concernés à se détester eux-mêmes, à douter de leur valeur ? Comment réagir ? Je suis tenue, par mon métier de thérapeute, à la neutralité bienveillante, mais avec l'expérience, je réalise que dans certaines circonstances, il faut s'avouer qu'il est impossible de toujours garder une distance émotionnelle. Je pense même que ce serait faire preuve de manque d'empathie et de courage en tant que citoyenne que de rester passive. Beaucoup d'écrits académiques ont été rédigés sur toutes les formes de discriminations les mécanismes, l' histoire. Ils m'ont nourrie dans ma réflexion pour écrire ce manifeste qui se veut être un ouvrage qui parle au coeur des gens, à cette pépite d'humanité que nous avons tous en commun pour donner des solutions et répondre à des situations humiliantes et déshumanisante afin d'en sortir Debout, tête haute !Â
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Les Éditions du Croquant, qui s'inscrivent dans une démarche critique des phénomènes de domination, proposeront dès septembre, une nouvelle collection. Constituée de textes relativement brefs (autour de 60 000 signes), incisifs, dans le genre « coups de poing » ou « coups de gueule ». Le titre de la collection en donne l'esprit et le ton : Halte là ! Trop c'est trop ! Stop ! Carton rouge ! Il s'agit de faire part de nos indignations, de nos colères. Non pas de façon négative, mais en privilégiant l'expression argumentée d'une prise de conscience de l'intolérable. Nous solliciterons les autrices et auteurs du Croquant. Mais aussi de nouveaux témoins et/ou analystes des phénomènes sociaux. À charge pour eux de dire de façon ramassée l'objet de leurs révoltes, de dénoncer les phénomènes, procédures, décisions politiques et sociales qui portent atteinte à la dignité humaine, à la justice. Certains feront connaître de façon adaptée au format de la collection les résultats de leurs recherches, d'autres choisiront de partager des expériences collectives ou sensibles, à la fois emblématiques d'une époque et riches de leur singularité. Sortons les Cartons Rouges devant l'intolérable, disons l'émotion ressentie - sans la dissocier de la pensée. Cette réaction est plus que jamais nécessaire pour construire les résistances, pour croire en l'avenir." Selon les sinistres statistiques publiées chaque année par l'OIM, en dix ans pas moins de 28854 personnes en migration contrainte ont trouvé la mort en tentant de chercher un refuge dans l'un des pays de l'Union européenne, hommes, femmes et enfants. Quant aux autres, quand elles ne sont pas les victimes de rejet en particulier vers les campements de concentration de la Libye, elles sont classées dans la catégorie floue, dépréciative et discriminatoire du « migrant ». Mais pourquoi ces migrations sous la contrainte ? Pourquoi ces personnes forcées à l'exil qui, en majorité, émigrent d'ailleurs dans les pays limitrophes à leur région d'origine? En cause le processus de la mondialisation économique et financière qui est parvenu à asservir les pays des Suds aux pays riches du Nord, animés par l'idéologie néolibérale, avec les destructions humaines, sociales, culturelles et environnementales que l'on sait. Sans égard ni à leur origine, ni à leur culture, sans tenir compte de situations de précarité matérielle et psychique extrêmes, sans prendre en compte les traumatismes subis dans des parcours migratoires plus qu'aléatoires, les pays de l'UE sont coupables, vis-à-vis de celles et ceux qu'ils rejettent dans la catégorie du migrant, d'un véritable déni d'humanité. Et ce déni d'humanité se décline en différentes formes de crime contre l'humanité. À nous de réagir, autant pour le soutien humain que dans l'action politique.
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L'extrême droite nourrit une obsession souvent méconnue pour la question scolaire. C'est là, selon Éric Zemmour, que « la bataille culturelle et politique se joue avant tout ».
Retour à l'ordre, roman national, élitisme, haine de l'égalité, rééducation de la jeunesse, mise au pas des personnels... au fil des polémiques sur le « grand endoctrinement » et des campagnes de délation des enseignant·es « déviant·es », la droite de la droite impose sa rhétorique et déroule son programme pour l'école : Autorité, Inégalité, Identité.
En remontant le fil de l'histoire, en allant voir du côté de l'étranger (Brésil, États-Unis, Hongrie, Turquie) ou en étudiant les villes laboratoires de l'extrême droite française, se lisent les dynamiques et les enjeux de cette contre-révolution scolaire conservatrice qui accompagne et inspire également l'agenda éducatif d'un néolibéralisme de plus en plus autoritaire.
Au-delà de la simple posture dénonciatrice, l'ambition de cet ouvrage est de doter d'outils historiques, pédagogiques et politiques celles et ceux qui n'entendent pas abandonner la critique du système éducatif aux seuls discours réactionnaires ni surtout laisser l'extrême droite faire école. -
La politique des visas : Filtrer les mobilités internationales en Chine et en Algérie
Juliette Dupont
- Croquant
- Action Publique
- 10 Juillet 2025
- 9782365124294
1. Présentation de l'ouvrage
Pour visiter laFrance, première destination touristique mondiale, les ressortissants de plus decent pays doivent préalablement obtenir une autorisation de voyage délivrée parles consulats français à l'étranger : le visa court séjour, communément appelévisa Schengen. L'Algérie et la Chine font partie de la liste, négociée àBruxelles, des nationalités soumises à cette obligation de visa. En 2019, plusde 95% des visas demandés en Chine ont été délivrés par les consulats français,tandis qu'en Algérie, près d'un dossier sur deux a été refusé. Partant d'un telécart, cet ouvrage interroge le visa touristique comme le vecteur d'une mobilitéinternationale à plusieurs vitesses, tantôt privilégiée, tantôt entravée.
À la lumière d'une enquête de plusieurs années menée entre Paris,Bruxelles, Beijing et Alger, ce livre montre comment les politiques et pratiquesde délivrance des visas à l'étranger fabriquent des inégalités globales, tout enfaçonnant les relations diplomatiques de la France avec les pays concernés parl'obligation de visa. À travers une analyse globale et engagée auprès desdécideurs politiques européens et nationaux ; des administrations expatriéesdes visas et des demandeurs de visa de nationalité algérienne et chinoise,l'ouvrage livre une compréhension complète de cet instrument à la foisdiplomatique et bureaucratique, qui dépasse parfois sa fonction initiale de« filtre » aux frontières. La comparaison de la délivrance des visas en Algérieet en Chine montre que les catégories de désirables et d'indésirables créées parles obligations de visa sont sans cesse réinterprétées par les bureaucrates surle terrain, ainsi que par les usagers, en mesure de subvertir, à leur échelle,les procédures d'obtention de ce sésame.
Remaniant en profondeurune thèse de science politique soutenue à l'Université de Montréal en avril2022, ce livre présente trois originalités. Tout d'abord, le coeur de l'ouvragerepose sur la comparaison de deux contextes - l'Algérie et la Chine - rarementconfrontés l'un à l'autre, encore moins à travers des enquêtes de terrainqualitatives et immersives. Au cours des différents chapitres, ces deux cas sontainsi documentés en détail, avec des données empiriques inédites. Ensuite, cetterecherche se distingue en mettant à jour, en particulier dans le cas de laChine, un objectif inédit d'attractivité touristique adossé à la délivrance desvisas, là où de nombreux travaux ont surtout souligné les logiques de soupçon etde répression exercées par les guichets de l'immigration. Enfin, ce livrepropose de dépasser la dichotomie consistant à opposer d'un côté, les citoyensdu Nord Global libres de se déplacer et de l'autre, ceux du Sud Global,immobilisés par les restrictions. Au contraire, il souligne l'existence dediscriminations entre pays soumis au même régime de visa obligatoire, apportantde nouvelles clés de compréhension de la mobilité touristique mondiale commemarqueur des inégalités.
2. Résumé par chapitre
Introduction (3 000 mots)
Cette introduction présente l'histoire etla place du visa dans le développement des politiques de contrôle migratoire etrevient sur son originalité qui est de trier à distance les étrangers, tout enétant un enjeu sensible des relations bilatérales. Elle revient également surles terrains et les défis de l'enquête globale adoptée pour ce livre, entreParis, Bruxelles, Alger et Beijing.
Chapitre 1 - Des visas à lacarte (5 000 mots)
Le premier chapitre porte sur l'histoire del'adoption de la liste des nationalités « blacklistées » devant solliciter unvisa avant de voyager à destination de l'Europe. Le chapitre discute toutd'abord des critères, définis à Bruxelles, justifiant l'exemption oul'obligation de visa imposée à un pays, puis les catégories de voyageurslégitimes et illégitimes à qui les autorités consulaires doivent délivrer ourefuser les visas. La définition de ces critères et de ces catégories faitl'objet de rivalités, en particulier entre les ministères de l'Intérieur et desAffaires étrangères qui se partagent la compétence en matière de visas. Cechapitre étaye ainsi les rapports de force entre les visions de la politique devisa, et comment ces luttes préfigurent des inégalités de traitement d'unenationalité à l'autre.
Chapitre 2 - Deux doctrines : repousser ouattirer ? (8 000 mots)
Le chapitre 2 aborde la comparaison au coeurde l'ouvrage, de la délivrance des visas par la France en Algérie d'une part, eten Chine d'autre part. Il montre que la délivrance contrastée des visas enAlgérie et en Chine se comprend non seulement à la lumière de contexteshistoriques bilatéraux distincts, mais aussi par le rapport de force entrel'Intérieur et le Quai d'Orsay. Ainsi, la « doctrine du robinet » à l'oeuvre enAlgérie, qui alterne séquences de verrouillage et d'ouverture de la délivrancedes visas, répond aux priorités de l'Intérieur, et de plus en plus de l'Elysée,de réduire l'immigration postcoloniale. La délivrance des visas en Chine suit, àl'inverse, la doctrine dite « Fabius » depuis 2012, qui met la délivrance desvisas au service de l'attractivité touristique de la classe moyenne chinoise, enplein enrichissement et particulièrement convoitée en contexte de criseéconomique en Europe.
Chapitre 3 - Barbelés versus canelés : lessous-traitants, « première image de la France » à l'étranger (8 000 mots)
Le chapitre 3 analyse le déploiement de la politique de visa sur leterrain et étudie le premier interlocuteur des étrangers demandeurs de visa :les prestataires à qui les consulats ont délégué l'accueil du public. A l'appuid'observations ethnographiques conduites dans plusieurs centres en Chine et enAlgérie, ce chapitre interroge les contours de cette délégation relativementnouvelle et compare ce qui est en réalité sous-traité, au-delà de l'aspectlogistique. En Algérie, c'est avant tout une mission de dissuasion qui estdéléguée à ces prestataires, qui reproduisent des logiques disciplinaires etdiscrétionnaires sur les usagers. En Chine, le recours à la sous-traitance estau contraire tourné vers l'hospitalité et l'expérience-client, ciblant despotentiels touristes fortunés selon une logique de distinction économique. Elles'inscrit en outre dans une concurrence avec les prestataires des autresconsulats des pays Schengen, qui se disputent les parts du marché des demandeursde visas chinois.
Chapitre 4 - Dans les coulisses du service : lequotidien du travail consulaire (10 000 mots)
Le chapitre 4 présenteles routines administratives des services de visas des Ambassades françaises deBeijing et d'Alger, qui voient plusieurs centaines de milliers de dossiers parannée transiter entre leurs murs. Après une présentation du profil de ces agentsexpatriés, le chapitre détaille la mission bureaucratique de lutte contre lerisque migratoire à laquelle ils sont socialisés. Au quotidien, leur travailimplique d'évaluer le bien-fondé des demandes de visa, et à s'assurer, au vu despièces du dossier, que les demandeurs ne cherchent pas à détourner le visa courtséjour à des fins d'immigration permanente. En outre, ce chapitre décrit lesservices de visa comme des « usines à décisions », où l'instruction de dossiersest organisée par des logiques de plus en plus néo-managériales, au détriment dubien-être au travail des agents, qui dénoncent le caractère aliénant des tâchesqui leur incombent. Cependant, l'impératif de productivité qui pèse sur lesservices des visas a des effets opposés d'un cas à l'autre : à Alger, plus lescontrôles doivent aller vite, plus ils conduisent à des décisions de refus,alors qu'à Beijing, la réduction des délais entraine à l'inverse uneaugmentation de l'octroi, pour satisfaire la politique d'attractivitétouristique décrétée par le Quai d'Orsay.
Chapitre 5 - Dilemmeslocaux, dilemmes moraux (10 000 mots)
Le chapitre 5 se concentre surles dilemmes de délivrance auxquels les agents visa font face. La délivrance desvisas en Algérie se caractérise par une tension entre objectif de réduction del'immigration et nécessité de tenir compte de la relation bilatérale. Parconséquent, les autorités consulaires aménagent la mise en place depasse-droits, réservés aux élites locales qui ont des connexions et/ou de lafamille en France. En Chine, le dilemme principal se situe entre l'objectifd'attractivité touristique et la mission bureaucratique des agents tournée versle contrôle. Cette dissonance conduit les agents à résister à l'injonctiondiplomatique et à réinvestir l'objectif de lutte contre le risque migratoire, enprofilant des dossiers perçus comme « douteux ». A la lumière de ces pratiquesbureaucratiques très localisées, ce chapitre arrive à la conclusion que lesdiscriminations d'accès à la mobilité ne se jouent pas qu'entre nationalités,même entre groupes sociaux d'un même pays : les notables en Algérie se voientfacilités, tandis que les usagers les moins dotés en Chine sont jugés indignesdes privilèges qui leur sont accordés.
Chapitre 6 - Les usagersface à la demande (8 000 mots)
Le sixième et dernier chapitres'appuie cette fois-ci sur le point de vue des demandeurs de visa de nationalitéalgérienne et chinoise, également rencontrés au cours de l'enquête. Lesexpériences dont ils font le récit donnent à voir les pratiques d'appropriationdes procédures de visa, que celles-ci soient répressives dans le cas d'Algérieou incitatives dans le cas de la Chine. Grace à leur capital spatial, lesdemandeurs accumulent et mobilisent plusieurs ressources leur permettant decontourner les obstacles liés à l'obtention d'un visa. Dans les deux cas, ilexiste des marchés parallèles des visas, industries locales et informelles quifournissent un ensemble de services de facilitation, parfois dans l'illégalité.Enfin, le chapitre recueille les paroles de ces usagers et les rapports(dé)politisés à la mobilité, et plus largement aux inégalités, que lesprocédures de visa façonnent chez eux. En prenant le parti de ces acteurs, cedernier chapitre permet ainsi de montrer ce que les individus font de ladiscrimination qui les vise, et restaure leurs marges de manoeuvre face à desprocédures souvent perçues comme arbitraires.
3. Public cible
Cet ouvrage sur la sélection des touristes étrangers au moyen desprocédures de visa peut intéresser un large public car au prisme du visa, ilinterroge la question du contrôle des frontières tout en abordant les relationsbilatérales de la France avec la Chine et l'Algérie. Interdisciplinaire, lelivre intéressera les politistes et sociologues de l'Europe et del'international, les sociologues des migrations et du tourisme, ainsi que leschercheurs intéressés par les pratiques de l'administration et la sociologie duguichet. Accessible grâce à son format relativement court (environ 200 pages),il cible de plus les étudiants dès le premier cycle inscrits en sciencepolitique, en relations internationales, en sociologie et en anthropologie.L'ouvrage pourra ainsi être intégré aux plans de cours sur les migrations,l'administration ou les relations internationales dans ces différentesdisciplines, et aux collections des bibliothèques universitaires en scienceshumaines et sociales. Ce livre trouvera par ailleurs un public parmi lesspécialistes de la Chine d'une part et d'Algérie d'autre part, au-delà desfrontières disciplinaires dans lequel il s'inscrit. En se basant sur un matérielethnographique, il pourra enfin être appropriable par des professionnels del'information, de l'enseignement, de la diplomatie, de l'industrie touristiqueet des citoyens et associations désireux de mieux connaitre les phénomènes detraitement des étrangers et des politiques de frontières et d'immigration.
4. Livres semblables sur le marché
Migrations internationales
Karen Akoka, 2020, L'asile et l'exil.Une histoire de la distinction réfugiés/migrants, Paris, La Découverte
Alexis Spire, 2008, Accueillir ou reconduire : enquête sur les guichets del'immigration, Raisons d'Agir
Catherine Withol de Wenden, 2017, LaQuestion migratoire au XXIe siècle, Migrants, réfugiés et relationsinternationales (3ème édition), Presses de Sciences Po
FrançoisHéran, 2017, Avec l'immigration, Mesurer, Débattre, Agir, La Découverte,Collection « L'envers des faits »
Nora El Qadim, 2015, Legouvernement asymétrique des migrations. Maroc/Union européenne, Paris, Dalloz,« Nouvelle Bibliothèque Thèses »
Diplomatie
ChristianLequesne, 2016, Ethnographie du Quai d'Orsay : les pratiques des diplomatesfrançais, Editions du CNRS
Michael Pauron, 2022, Les ambassades dela Françafrique : l'héritage colonial de la diplomatie française, Editions Lux,Collections « Les dossiers noirs »
Laurence Badel, 2021,Diplomaties européennes XIXè-XXIème siècle, Presses de Sciences Po
Anthropologie des politiques publiques
Vincent Dubois, 2021,Contrôler les assistés, Genèses et usages d'un mot d'ordre, Paris, Raisonsd'Agir
Camille François, 2023, De gré et de force, Comment l'Etatexpulse les pauvres, La Découverte, Collection « L'envers des faits »
5. Références de personnes ayant lu le manuscrit (membres du jury desoutenance de la thèse - avril 2022)
Frédéric Mérand :frederic.merand@umontreal.ca
Valérie Amiraux :valerie.amiraux@umontreal.ca
Mireille Paquet :mireille.paquet@concordia.ca
Sandra Lavenex :sandra.lavenex@unige.ch
Sabine Saurugger :sabine.saurugger@iepg.fr
Sule Tomkinson :sule.tomkinson@pol.ulaval.ca
6. Présentation del'autrice
Juliette Dupont est docteure en science politique,diplômée de l'Université de Montréal, et membre de l'Institut ConvergencesMigrations (CNRS). Sa thèse, « Verrou ou vitrine ? Politiques du visa Schengenen Algérie et en Chine » a obtenu la mention « Exceptionnelle », qui distingue2% des thèses soutenues à l'Université de Montréal et est sélectionnée pourreprésenter l'institution aux concours de meilleure thèse de la discipline.Depuis septembre 2023c, Juliette Dupont est chargée de recherche FRS-FNRS à l'UCLouvain Saint Louis Bruxelles et enseignante à Sciences Po Lille. Ses travaux sesituent au croisement des études migratoires, des études européennes, de lasociologie politique internationale et de la sociologie des guichets et abordentplus précisément les liens entre mobilités et inégalités. Ses recherches ont étépubliées dans les revues Migrations Sociétés, Politique Européenne et dans unouvrage paru aux Presses Universitaires de Bruxelles. -
Des élèves qui accusent leurs professeurs de racisme, une classe où le groupe des « Français » et celui des « musulmans » se font face... ce genre de constat a conduit Aurélien Aramini et Chloé Santoro à mener une enquête dans un lycée professionnel, situé au sein d'une grande cité scolaire comme il en existe beaucoup d'autres dans la France des sous-préfectures, marquée à la fois par la désindustrialisation, la disparition des services publics et l'héritage des vagues migratoires successives. À la croisée de la sociologie et de la philosophie, cette étude qui plonge dans le quotidien d'une classe de seconde professionnelle ne cherche pas aÌeuros défendre une vision rigide de la mission de l'école mais à comprendre les difficultés concrètes auxquelles les enseignants et leurs élèves sont confrontés afin de déceler ce qui, dans les pratiques mêmes des acteurs de terrain, pourrait contribuer à réduire ces fractures qui divisent la communauté scolaire et, au-delà, le corps civique.
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La guerre, le droit et la paix.
Jacques Fath, Antonios F. Abou Kasm
- Croquant
- 24 Avril 2025
- 9782365124805
Auteurs :
Jacques Fath : spécialiste des relations internationales, essayiste.
Antonios Abou Kasm : avocat international, professeur de droit international à l'Université libanaise.
Présentation :
L'ambition de ce livre est d'abord celle d'une approche permettant de mieux comprendre le sens social et la portée politique de ces trois concepts : la guerre, le droit et la paix. L'histoire nous montre à quel point il s'agit là de constructions sociales ancrées dans la longue durée. Comment fut « inventée » la guerre à l'âge du bronze ? En quoi le droit est-il une valeur de civilisation ? Comment définir et construire la paix ? Ces questions majeures se posent aujourd'hui avec d'autant plus d'insistance que les risques de guerre, le mépris du droit et de la légitimité des Nations Unies suscitent de profondes et légitimes inquiétudes sur l'avenir. Le 80è anniversaire de l'ONU en 2025 doit être un moment de réflexion critique sur notre actualité, sur l'ordre international avec ses règles et ses pratiques, sur l'incontournable exigence de la responsabilité collective dans notre monde interdépendant.
Ce livre ouvre aussi les grandes problématiques géopolitiques, juridiques et stratégiques de notre période : les conflits en cours et les menaces dont ils sont porteurs, le multilatéralisme dans le cadre des Nations Unies, l'importance de la sécurité collective et du droit international, la nécessité de la justice internationale, l'affirmation du Sud global et sa signification... Il est aussi question des mutations redoutables de la guerre avec les hautes technologies, dans un contexte d'intense course aux armements, d'exacerbation et de militarisation des relations internationales, et d'une périlleuse tentation du nucléaire militaire...
Le défi de la paix est aussi celui de la responsabilité pour tous les acteurs politiques et sociaux. Au côté d'autres enjeux globaux, il fait partie des questions prioritaires. -
Le 14 juillet 1953, la gauche communiste et syndicale célèbre,
comme c'était alors la tradition, la fête nationale par une manifestation à
Paris. Y participent, à la fin du cortège, plusieurs milliers de
militants du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), le
parti nationaliste algérien. Quand ils arrivent place de la Nation, des heurts
se produisent et les policiers tirent froidement sur les manifestants algériens.
Six d'entre eux sont tués, ainsi qu'un militant de la CGT. Et on compte des
dizaines de blessés par balles. Pendant un demi-siècle, ce drame va
être effacé des mémoires et des représentations, en France comme en Algérie.
Pour comprendre les raisons de cette amnésie et faire connaître les
circonstances de l'événement, Daniel Kupferstein a conduit une longue enquête,
pendant quatre ans. Elle lui a permis de réaliser en 2014 un film que ce livre
prolonge et complète. On y découvrira les témoignages inédits de beaucoup
d'acteurs de l'époque, ainsi que les ressorts de l'incroyable mensonge d'État
qui a permis d'occulter ce massacre. Et on comprendra le rôle essentiel de «
déclic » joué par ce dernier dans le déclenchement par le FLN de la guerre de
libération en 1954. Daniel Kupferstein, réalisateur et
documentariste, est l'auteur de nombreux films, notamment Dissimulation d'un
massacre sur la sanglante répression de la manifestation du FLN du 17 octobre
1961 à Paris et de Mourir à Charonne, pourquoi ? (2010) sur la répression de la
manifestation du 8 février 1961 à Paris. Ce livre est une réédition
de celui paru en 2017, rendue possible grâce à l'amabilité des éditions La
Découverte. L'image de couverture reprend l'affiche du film de 2014. -
Iran : De l'exil des élites à l'exil populaire
Nader Vahabi
- Croquant
- Actualité Politique Et Sociale
- 3 Octobre 2024
- 9782365124577
Où en est l'exil iranien 44 ans après l'arrivée au pouvoir des fondamentalistes religieux à Téhéran ? Que nous apprennent les récits de vie de ces exilés ? Ce livre étudie la diversité du phénomène de l'exil, dans sa dimension anthropo-sociologique, sur plusieurs générations, dans différents contextes nationaux, à travers les parcours de resocialisation et d'intégration. L'enquête réalisée de 2015 à 2022 auprès de 60 exilés commence à la suite d'une rencontre en 2015 dans une annexe d'hôpital de Montmorency, dans le Val d'Oise. Les vingt récits de vie représentatifs du corpus sont au coeur de l'analyse. Ils ont l'ambition de montrer le passage des exilés issus de la classe moyenne aisée des années 1980 aux exilés venant de couches sociales variées des années 2000, ce qu'on peut qualifier de démocratisation de l'exil.
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Pierre Bourdieu en Algérie (1956-1961) : témoignages
Tassadit Yacine
- Croquant
- 21 Juin 2022
- 9782365123518
Ce livre retrace, sans se vouloir exhaustif, la période algérienne de Pierre Bourdieu : celle qui va de 1956, date de son arrivée dans le Cheliff, région inhospitalière chaleur torride en été et froid glacial, en hiver, à 1961, date de son départ précipité d'Alger, devenue la proie du terrorisme urbain. Il vise cependant à éclairer le lecteur, fût-ce partiellement, à partir de témoignages oraux, véritables archives vivantes, émanant de collègues et d'étudiants qui l'ont côtoyé et partagé avec lui moult angoisses, espoirs et désespoirs dans un climat de tensions politiques dans un conflit de guerre ayant gagne tant le monde rural que dans le monde urbain, à l'instar de la bataille d'Alger, en 1957.
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Israël, le Hamas et la question de Palestine
Jacques Fath
- Croquant
- Actualite Politique Et Sociale
- 16 Mars 2024
- 9782365124324
Dans l'histoire du conflit israélo-palestinien, c'est la première fois qu'une confrontation armée entre Israël et le Hamas à Gaza prend une telle dimension de violence meurtrière et destructrice.
Ce choc majeur aura des suites inédites. Il change la donne internationale. La question de l'après se pose avec une grande complexité. Les objectifs des uns et des autres, les conséquences prévisibles, les antagonismes ancrés dans l'histoire ne permettent pas d'entrevoir la nature d'une issue à construire.
Cet ouvrage cherche à répondre à ces interrogations, à analyser les causes et les responsabilités, à expliciter des enjeux déterminants. Il formule des options politiques souhaitables pour que la gravité de ce moment de guerre puisse au moins contribuer à une démarche éthique et politique positive, et à penser une solution de justice et de paix durable. -
Pour une écologie de rupture
Martine Billard, Pascal Gassiot
- Croquant
- Les Partis Pris De La Fondation Copernic
- 7 Mars 2024
- 9782365124140
Pour une écologie de rupture Cet ouvrage de la collection « Les partis pris de la fondation Copernic » regroupe différents textes qui, à l'image de la diversité des engagements des militant·es de la fondation, multiplient les points d'entrée sur le thème de l'écologie :
1. réchauffement et dérèglement climatiques, destruction de la biodiversité, extractivisme ;
2. besoins et biens communs, rapports nature/culture ;
3. marchandisation généralisée des échanges, économie, finance ;
4. décroissance, démondialisation, libre échange, néocolonialisme, migrations ;
5. rapports de domination, démocratie, auto-organisation, souveraineté populaire, écoféminisme .
Derrière les textes, un fil-à-plomb se fait jour. C'est l'analyse du capitalisme (sous toutes ses formes), du productivisme et de l'extractivisme comme moteurs essentiels de l'ère géologique dans laquelle nous sommes aujourd'hui : l'anthropocène ; que beaucoup préfèrent d'ailleurs qualifier de capitalocène.
Mais, un autre constat se dessine aussi : la nécessaire, l'urgente bifurcation écologique, obligatoire pour garder une Terre habitable pour tou·tes, va demander, générer de facto des basculements, d'ordre anthropologique, qui vont impacter toutes nos manières de faire Monde.
Pour le meilleur comme pour le pire. -
Education prioritaire : une politique féconde pour le système éducatif
Collectif
- Croquant
- 9 Janvier 2025
- 9782365124201
Dans le contexte morose du système éducatif d'aujourd'hui, le collectif Langevin Wallon souhaite porter un message d'espoir pour une réelle démocratisation de l'école et montrer qu'il est possible de réformer réellement le système scolaire sans brutaliser ses personnels, sans juger les parents ni accabler les élèves.
Loin des recettes supposées providentielles et courtermistes, ce livre est nourri par la solide expérience professionnelle de ses auteurs, notamment en matière de conception et d'animation nationale de la politique de l'éducation prioritaire menée lors de sa refondation (2013-2017), par les données de la recherche et par les acquis des réussites de terrain. Il met ainsi à la disposition des lecteurs une somme importante de connaissances sur cette politique et ouvre la réflexion sur les questions éducatives essentielles pour contrer les inégalités sociales face à l'apprentissage scolaire.
Souhaitant dépasser l'insincérité récurrente des débats sur l'école, le collectif Langevin Wallon, convaincu que la grande inégalité scolaire n'est pas une fatalité, fait le pari que l'Ecole est encore capable de porter la réussite des enfants des milieux populaires si la coopération de tous avec chacun triomphe sur la compétition de chacun contre tous, si le sens du collectif reprend l'ascendant sur l'individualisme, si l'intérêt général redevient l'alpha et l'oméga de notre démocratie. -
Le marché des idées : Les sciences humaines et leurs lecteurs
Louis Pinto
- Croquant
- 21 Mars 2024
- 9782365124218
Le marché des idées Les sciences humaines et leurs lecteurs Louis Pinto Les sciences humaines (philosophie, histoire, sociologie, ethnologie, économie, géographie, etc.) sont d'abord des disciplines savantes, matière à enseignement et recherche. Hors des circuits universitaires, elles sont en général abordées à travers des auteurs, des figures illustres célébrées dans les médias.
Mais elles n'ont guère été envisagées en fonction de leurs lecteurs. Qui sont ces gens ? Que lisent-ils et comment lisent-ils ?
Pour répondre à ces questions, une enquête a été nécessaire qui repose sur des questionnaires et surtout sur des entretiens approfondis. Elle vise d'abord à comprendre les différences entre lecteurs savants et lecteurs profanes, leurs choix et leurs critères de jugement.
Alors que les premiers sont redevables de la discipline qui les a formés et qui guide leurs pratiques professionnelles, les seconds sont disponibles pour des lectures qu'on peut appeler libres, dans la mesure où elles sont déliées des règles scolaires. Les lecteurs profanes apprécient des livres qui ne sont ni trop commerciaux (ceux des « intellectuels médiatiques ») ni trop « universitaires » et qui sont censés apporter une « rupture », un « ébranlement » dans les façons de penser : c'est précisément ce que proposent ou promettent éditeurs, libraires et critiques de livres. Les lectures libres permettent à la plupart des lecteurs d'accéder, hors du cadre des disciplines, à ce qui constitue, à leurs yeux, les marques de la condition d'intellectuel : la « pensée » (attribut, par excellence, du philosophe) et les causes intellectuelles (des thèmes de débats politico-idéologiques ayant accédé au statut d'objet intellectuel).
L'enquête sur les lecteurs est l'un des moyens de mettre en lumière le fonctionnement d'un marché des idées soumis au poids croissant d'autres univers, ceux de l'édition, de la presse et de la politique. -
Les grands discours à l'ONU. De Harry Truman à Greta Thunberg
Chloé Maurel
- Croquant
- 9 Avril 2024
- 9782365124300
L'ONU est souvent vue comme une grande bureaucratie inefficace, un « machin » ainsi que la qualifiait le général de Gaulle en 1960... Mais ce livre entend montrer que l'ONU, c'est aussi la plus grande tribune mondiale, la « voix du monde », avec son Assemblée générale où les 193 Etats membres sont représentés, et où les grands leaders politique du monde peuvent s'exprimer devant tous les représentants des Etats membres. C'est la plus grande enceinte internationale, la porte-voix des peuples. Cette Assemblée générale, l'enceinte mondiale la plus démocratique puisque chaque Etat, riche ou pauvre, y est doté d'une voix, constitue un formidable forum pour les grands dirigeants, et elle a, au fil de l'histoire, permis à des personnages historiques de prononcer des discours marquants, qui ont eu un impact déterminant sur les relations internationales : guerre froide, conflit israélo-palestinien, attentats du 11 septembre 2001...
Ce livre mettra en lumière l'importance de ce forum mondial, en présentant pour la première fois une sélection des grands discours prononcés dans l'enceinte de l'ONU. En effet, cette organisation internationale, universelle, a accueilli des hommes et femmes politiques et personnalités célèbres, du dirigeant soviétique Khrouchtchev qui, lors de son discours en 1960, n'a pas hésité à taper sur la table avec ses chaussures, à Dominique de Villepin en 2003 dans son flamboyant plaidoyer contre la guerre en Irak, ou encore de Fidel Castro qui a fait en 1960 le plus long discours de l'histoire de l'ONU (d'une durée de 4h30 sans pause!) au leader palestinien Yasser Arafat en 1974, ou encore au pape François prononçant un émouvant discours à l'ONU en 2015, et jusqu'à la jeune Greta Thunberg, égérie des militants pro-climat, en 2019.
Les discours seront sélectionnés en fonction de l'importance internationale des orateurs, et de l'impact qu'ils ont exercé dans les médias et sur les relations internationales.
Ce ne sera pas un simple recueil de discours : chaque discours sera précédé d'un paragraphe introductif, présentant le contexte historique, le personnage, analysant des passages précis de chaque discours, et sera suivi d'un ou deux paragraphes d'analyse, examinant la portée, les répercussions de ces mots prononcés dans l'enceinte onusienne.
Caractère novateur du livre :
Un tel recueil commenté des discours prononcés à l'ONU n'a jamais été fait, et cette manière originale d'aborder l'histoire des Nations unies intéressera le public, car elle est vivante et centrée sur des personnages, elle a donc une dimension humaine, elle humanise cette institution internationale.
Public visé :
Ce livre intéressera tout d'abord le grand public amateur d'histoire et de relations internationales, car il permettra de revisiter toute l'histoire du XXe siècle, en rappelant les grands discours qui ont marqué la mémoire collective.
De plus, il pourra être très utile aux professeurs et étudiants d'histoire, de science politique, aux élèves de lycée, des classes préparatoires littéraires aussi bien que commerciales, ainsi qu'aux étudiants et enseignants de Sciences Po. -
Crise écologique, inégalités : la faute au marché ! Il faut donc planifier. Mais comment planifier une société qui est pour l'essentiel à inventer ? Au terme d'un bilan assez détaillé tant du libéralisme que des modèles de socialisme cherchant à le dépasser positivement, à l'exemple de l'expérience yougoslave, la thèse développée dans ce livre à la suite de Rudolf Bahro et d'Otto Neurath est que l'enjeu est moins de planifier ou de socialiser le marché que de maîtriser les modes de vie, pour permettre aux humains de faire l'histoire qu'ils font. Ceci suppose de sortir de « l'économisme », qui réduit la discussion aux prix et/ou aux quantités, pour saisir de façon dialectique le devenir les trajectoires collectives et explorer l'avenir ; et, dans ce but, de s'appuyer sur la recherche matérialiste et collective de la vérité, dans la complexité de ses trois dimensions, contre les trois grandes formes de fétichisme et de rapports de force que sont la domination, l'exploitation et l'aliénation. Il apparaît alors clairement qu'un changement d'identité engage des actions très différentes d'un changement politique (prendre le pouvoir) ou d'un changement économique (affecter des ressources). De là une vision renouvelée d'une dialectique matérialiste, émancipatrice.
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La faute à Lénine ?
Le 24 janvier s'éteignait Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine. Pratiquement inconnu sept ans auparavant, il fut en 1917 le grand artisan du basculement de la Russie vers un système sociopolitique inédit, qui marqua toute l'histoire du XXe siècle.
Il fut un « magicien » pour ses partisans, un monstre pour les plus acharnés de ses détracteurs, une énigme pour le plus grand nombre. Un géant de la révolution ? Le précurseur du « totalitarisme »Â ? L'initiateur de Staline ou son contraire ? Un siècle plus tard, les polémiques battent toujours leur plein.
Ce livre essaie de faire le point sur un homme clé de toute notre histoire contemporaine. Mais son parti pris est de considérer que réfléchir sur Lénine, c'est prendre la mesure de 75 ans de soviétisme et, sans doute, de 77 ans d'un « court XXe siècle » (1914-1991).
Historien du communisme, Roger Martelli a longtemps exploré les effets du « moment Lénine » sur l'histoire mondiale. Il offre ici un nouveau regard global. -
Ce que l'école devrait apprendre à tous : Se connaître s'ouvrir se relier
Denis Paget
- Croquant
- 6 Juin 2024
- 9782365124379
Partant de son expérience d'enseignant, de syndicaliste, d'expert, l'auteur revient sur l'histoire récente de notre système éducatif. Il formule des critiques de notre école et propose de nouvelles voies pour qu'elle s'ouvre enfin à la prise en considération de tous les élèves qui ne se retrouvent pas dans les contenus qu'on leur enseigne. Il propose des pistes pour que notre école tienne compte des bouleversements de la société française et du monde. Il aborde la nécessité de mener un travail sur les finalités éducatives, sur la sélection des savoirs et sur l'exigence d'une éducation plus attentive aux processus de formation de la personne. Devant l'ampleur des problèmes que nous devons affronter, l'école ne peut se contenter d'enseigner ce qu'elle enseigne depuis un siècle. Ces analyses et propositions se résument dans le titre : se connaître répond au processus d'individuation qui permet à la personne de grandir en comprenant qu'elle n'est rien sans les autres et donc sans construire en chaque jeune un processus inséparable de socialisation qui s'incarne dans l'ouverture aux autres et au monde. S'ouvrir et se relier, c'est répondre aux défis nouveaux qui inquiètent les jeunes générations à juste titre : l'état de la nature, de la planète terre, le retour des nationalismes qui engendrent la guerre, les défis d'un développement moins fondé sur l'exploitation de la planète et des hommes. Présentation de l'auteur Denis Paget a enseigné pendant plus de 40 ans. Il a assumé en parallèle diverses fonctions au sein du SNES-FSU comme responsable des contenus d'enseignement et de la pédagogie et a déjà écrit plusieurs ouvrages sur ce que l'école française enseigne et/ou devrait enseigner. En 2013 le ministre de l'éducation nationale de l'époque l'a nommé membre qualifié au Conseil Supérieur des Programmes pour cinq ans. Il a également travaillé comme expert en curriculum, dans divers pays d'Afrique, pour France Education International (FEI). Confronté au travail même d'écriture des programmes scolaires et du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, chargé ensuite de mettre en oeuvre divers programmes pilotés par l'UNICEF de rénovation des curricula à l'étranger, sa pensée sur l'école s'est progressivement enrichie. Ce livre en est le témoignage.
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Pourquoi tant de votes RN dans les classes populaires
Gérard Mauger, Willy Pelletier
- Croquant
- 23 Mai 2023
- 9782365123891
Ce livre est une version actualisée, augmentée et remaniée, de l'ouvrage publié en 2016 aux éditions du Croquant1. Cette initiative était une conséquence de l'inquiétude suscitée par l'ascension du Front National (FN), non seulement chez les militants et les intellectuels « de gauche », mais aussi chez les chercheurs en sciences sociales. Les résultats des élections présidentielles et législatives de 2022 n'ont fait que la renforcer : d'où cette réédition actualisée et complétée par de nouvelles enquêtes. Mais cette nouvelle version ne vise pas tant (en tout cas pas seulement) à alerter qu'à tenter de rendre compte sociologiquement de l'essor du RN (Rassemblement National) avec la conviction qu'une meilleure connaissance du phénomène peut aider à en déjouer les mécanismes.
Une ascension inexorable ?
Rompant avec une « neutralité axiologique » souvent revendiquée, mais sans doute plus stratégiquement « opportune » qu'épistémologiquement fondée2, cette inquiétude doit évidemment quelque chose à la progression électorale du FN. Elle peut, en effet, sembler inexorable depuis le début des années 1980. Lors des élections législatives de mai 1981 consécutives à l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République, le score du FN était encore, en effet, celui d'un groupuscule : 0,18 %. Mais, aux élections régionales de 2015, le FN obtenait 6,8 millions de voix au second tour, soit 30 % des suffrages et arrivait en tête au premier tour dans la moitié des régions et dans plus de la moitié des communes. En 2017, Emmanuel Macron obtenait deux fois plus de votes que Marine Le Pen. En 2022, l'écart s'est réduit à 16% des votants. Au deuxième tour des élections législatives de 2022, le RN obtenait, à la surprise générale, 89 députés, trois fois plus qu'en 1986, un véritable « tsunami » selon Jordan Bardella, alors président par intérim du RN. Il consolidait, en effet, son implantation dans l'ancienne France industrielle du Nord et du Nord-Est et dans la France du Sud-Est jusqu'aux Pyrénées orientales et il étendait son ancrage territorial. Avec ses 89 députés crédités d'une « image rassurante » (56 hommes, 33 femmes, 46 ans en moyenne, 42 titulaires de mandats électifs, 44 cadres et professions intellectuelles supérieures) et deux vice-présidences à l'Assemblée nationale, le RN, qui refuse désormais d'être classé « à l'extrême-droite », accélère sa « normalisation » et consolide sa « respectabilité »3.
Un parti d'extrême-droite ?
L'inquiétude suscitée par cette ascension est inséparable de l'hystérésis d'une représentation du FN. En mai 1981, son label « d'extrême droite » n'était guère discutable. Le FN de Jean-Marie Le Pen, antisémite, sinon négationniste, raciste et hostile à la démocratie, se recrutait chez d'anciens pétainistes, miliciens retraités, collaborateurs et vétérans de la Légion des Volontaires Français, chez des anciens de l'OAS et leurs sympathisants, chez des catholiques traditionnalistes4. L'inquiétude persistante suppose donc que le RN d'aujourd'hui n'est au fond pas très différent du FN d'hier. Mais cette pérennité de la représentation pose le problème de la « normalisation » du FN. Outre que l'actuelle direction du RN a travaillé à sa « dédiabolisation », les partis de droite « classique » (l'UMP puis LR), en reprenant à leur compte des thèmes de prédilection du FN comme « l'immigration », « l'assistanat » ou « l'insécurité », ont objectivement contribué à leur « banalisation » et, ce faisant, à celle du RN. Par ailleurs, la campagne d'Éric Zemmour pour les élections présidentielles de 2022 a contribué à la « dédiabolisation » du RN en permettant son « recentrage »5. Mais, à l'inverse, les « partis de gouvernement » (du Parti Socialiste - PS - à La République En Marche - LREM), dont « l'épouvantail Le Pen » est devenu l'ultime argument électoral (« faire barrage au RN »), soulignent, non sans quelques arguments, la continuité entre le RN et le groupuscule d'extrême-droite des années 19706.
La question du classement politique du RN se pose d'autant plus que l'invention d'un nouveau label politique - le « populisme » - plus proche, selon Annie Collovald, d'une nouvelle « insulte politique » ou d'une « injure polie »7 que d'un concept, permet d'assimiler La France Insoumise (LFI) au RN et de disqualifier LFI par « contagion » (« le danger populiste »). En fait, Daniel Gaxie montre que le programme du RN est caractérisé par ses ambiguïtés, sinon ses incohérences8. Ils constituent autant d'atouts pour un « catch large party » où peuvent se reconnaître à la fois des militants d'extrême-droite (« faute de mieux »), des catholiques traditionnalistes (« pour défendre la famille »), des « rapatriés d'Algérie » (« pour endiguer l'immigration »), des professionnels du maintien de l'ordre (« pour lutter contre la délinquance »), des indépendants de toutes sortes (« contre la fiscalité et les charges ») et diverses fractions des classes populaires (« des fâchés pas fachos », dont on s'efforcera ici d'élucider « les raisons »). Dans cette perspective, il faudrait prolonger l'enquête en analysant le RN comme « un champ » (où s'affrontent diverses tendances), lui-même pris dans un « champ politique » où chaque parti doit se démarquer de ses concurrents pour conquérir « le monopole de l'usage légitime des ressources politiques objectivées (droit, finances publiques, armée, police, justice, etc.) »9. À l'issue des élections de 2022, le RN est l'un des quatre pôles d'un champ politique structuré par quatre blocs à peu près équivalents : en substance et dans l'ordre, celui d'Emmanuel Macron, celui de l'abstention, celui de Marine le Pen et celui de Jean-Luc Mélenchon10. Le RN y apparaît, selon Daniel Gaxie, comme « un parti marginal, reconnu et stigmatisé » ou « un parti marginal ascendant »11. Mais l'abstention reste le premier « parti » de France12, obérant, scrutin après scrutin, la légitimité des élus. En dépit des appels de la NUPES (Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale), 67 % des ouvriers et 64 % de ceux dont le revenu mensuel est inférieur à 1250 euros se sont abstenus (IPSOS). La Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES) cumule 142 députés, ébauchant ainsi la renaissance d'une « gauche de gauche » dans l'espace politique laissé vacant par la décomposition de « la gauche PS-PC », mais sans pour autant reconquérir l'adhésion des classes populaires13 à l'exception des banlieues des grandes villes. Au deuxième tour des élections législatives, la remobilisation espérée des abstentionnistes n'a pas eu lieu, l'abstention - 53,77 % - a même progressé par rapport au premier tour14.
Un parti populaire ?
Le désarroi provoqué par la progression électorale du RN est également lié aux questions que posent à la fois cette extension de l'abstentionnisme des classes populaires et celle des votes populaires en faveur du RN.
Jusqu'à une date récente, l'abstention était restée un phénomène relativement secondaire (autour de 20 % des inscrits) et, de ce fait, peu étudié. En avril 1848, alors que la population était encore pour moitié analphabète, la participation à l'élection de l'Assemblée constituante (au suffrage universel masculin) atteignait 83,6 % des inscrits. Et lors des élections de mai 1936, où le Front populaire l'avait emporté, le taux d'abstention était l'un des plus faibles de toute l'histoire des élections législatives : 15,6 %. De nouveaux records de participation sont atteints au cours des années 1970 où la gauche dispute le pouvoir à la droite : l'élection présidentielle de 1974 où s'affrontent François Mitterrand et Valéry Giscard d'Estaing mobilise près de 9 électeurs sur dix (87,3 %) et, lors du second tour des élections législatives de 1978, 84,9 % des électeurs inscrits se rendent aux urnes. Mais, à partir de la deuxième moitié des années 1980, l'abstention s'envole : au deuxième tour des élections législatives de 2007, près de quatre inscrits sur dix s'abstiennent. Aux élections européennes de 2014, on compte 56 % d'abstentions, 50 % aux élections régionales et départementales de 2015, 25 % d'abstentions au deuxième tour de l'élection présidentielle de 2017, 52 % d'abstentions au premier tour des élections législatives de 2017. Ce désintérêt voire cette aversion à l'égard de la vie politique15 revêtent différentes formes : non-inscription, mal inscription, abstention, inégalités croissantes de politisation, votes sans conviction, etc.16 De sorte qu'une « démocratie de l'abstention »17 semble s'être mise en place où c'est l'inégale distribution du vote et de la non-inscription (massivement populaires) qui met en évidence la persistance des clivages de classe18.
Comment rendre compte, par ailleurs, de l'essor du vote RN dans les anciens bastions ouvriers du Nord et de l'Est désindustrialisés ou dans « le Midi rouge »Â ? Si nul ne s'étonne de voir un petit commerçant (supposé « naturellement poujadiste ») ou un bourgeois catholique traditionnaliste voter FN, le vote populaire en faveur du RN interpelle à la fois « ceux pour qui le peuple est une cause à défendre »19, ceux qui tendent à « accorder au peuple la connaissance infuse de la politique »20 et, plus encore, sans doute, ceux qui persistent à croire à la vision messianiste de la « classe ouvrière ». Le vote populaire en faveur du RN les confronte à un paradoxe du même genre que celui qu'a étudié Thomas Frank aux États-Unis : Pourquoi les pauvres votent à droite ?21. La déconvenue et la perplexité sont d'autant plus grandes que ce vote populaire en faveur du RN semble valider le point de vue de « ceux pour qui le peuple est un problème à résoudre »22 et consolider le « racisme de classe » de ceux qui assimilent les ressortissants des classes populaires à des « beaufs » machistes et homophobes, racistes et xénophobes, etc.23 La controverse suscitée par le vote populaire en faveur du RN réactive l'alternative classique entre « misérabilisme » et « populisme »24, deux formes de l'ethnocentrisme des classes dominantes25. Seule l'enquête peut dénouer ce genre de controverse en tentant à la fois de cerner l'ampleur, la distribution et l'évolution du vote populaire en faveur du RN, d'en comprendre « les raisons » socialement diversifiées et d'en élucider « les causes », c'est-à-dire de rendre compte de l'ancrage - socialement différencié - de ces diverses « raisons » de voter FN.
Objectiver le vote populaire en faveur du RN Mais comment cerner l'ampleur, la distribution et l'évolution du vote populaire en faveur du RN ? Toute tentative de mesure est confrontée à la difficulté d'étudier les rapports entre deux entités mal définies. Dans la mesure, d'une part, où le RN est un « parti attrape-tout », cerner « ce qu'est le RN » au regard de ceux qui votent en sa faveur - « un conglomérat » plutôt qu'un « électorat »26 - est un objet d'enquête. La question renvoie ainsi à l'inventaire des « raisons » de voter RN. Dans la mesure, d'autre part, où « le populaire » n'est plus ce qu'il était encore dans les années 1970, délimiter les contours des classes populaires dans la société française contemporaine rencontre également de nombreuses difficultés27. « La classe ouvrière » a subi une véritable éclipse consécutive à la fois à la désindustrialisation massive, à l'affaiblissement intellectuel et politique du marxisme, à l'effondrement du socialisme « réellement existant », à la débâcle électorale du PCF (« le parti de la classe ouvrière ») et au déclin de la CGT28. Mais si la vision d'un espace social divisé en classes antagonistes s'est progressivement défaite, on peut, néanmoins, mettre en évidence des critères qui justifient le regroupement des ouvriers et des employées au sein des « classes populaires ». Ce label démarque le groupe ainsi constitué des autres groupes sociaux : petitesse du statut professionnel ou social, étroitesse des ressources économiques, éloignement par rapport au capital culturel29.  Certes, ces classes populaires ne sont pas ce que la classe ouvrière n'a jamais été ailleurs que dans l'imagination des intellectuels. Mais, ouvriers et employées (il s'agit de femmes pour 80 % de l'effectif) représentent plus de la moitié de la population active. Relativement cohérentes, ces classes populaires sont néanmoins traversées par de nombreux clivages à commencer par celui entre « established » et « outsiders »30 que creusent l'effritement de la condition salariale, l'extension du chômage de masse, de la précarisation et de l'insécurité sociale qui en résultent31. Force est alors de supposer que les différentes composantes des classes populaires n'ont ni les mêmes raisons de s'abstenir, ni les mêmes représentations du RN, ni les mêmes raisons de voter en sa faveur.
Ainsi peut-on comprendre le caractère rudimentaire de données statistiques fondées sur la distinction entre « CSP + » et « CSP - » ou, dans le meilleur des cas, celle entre ouvriers et employées, pour tenter d'objectiver le vote populaire en faveur du RN. En l'état des données disponibles, Patrick Lehingue avait montré en 2016, que, même si les votes d'ouvriers et employées représentaient plus de la moitié des suffrages obtenus par le FN, ce vote FN ne concernait qu'un ouvrier sur sept et que c'était l'abstention - et de très loin - qui était alors le « premier parti ouvrier »32. Outre le progrès spectaculaire du RN aux élections présidentielles, les élections de 2022 montrent que le vote populaire exprimé en faveur du RN se situe entre un peu moins d'un tiers et un peu plus d'un quart des votants de la catégorie et mettent en évidence un ancrage du RN dans les fractions les plus démunies (scolairement et économiquement) des classes populaires33. Quant aux « raisons » de voter RN dans les classes populaires (sans grande compétence ni intérêt politique), on peut supposer que le RN est parvenu à inculquer, outre l'hostilité à des partis politiques interchangeables (« l'UMPS »), une vision du monde qui oppose les « nationaux » aux « étrangers ». Ce clivage « ethno-racial » occulte ainsi les divisions internes au groupe national (la lutte de classes) et fait de « l'immigration » la source de tous les maux (le chômage, la délinquance, le terrorisme) et des immigrés, de « mauvais pauvres » associés à la délinquance et à l'assistance.
« Ce que voter RN veut dire » Pour tenter de cerner plus précisément « ce que voter RN veut dire » dans les classes populaires, il faut rompre d'abord avec la convention du sens commun savant qui voudrait que le vote exprime le « choix » d'un programme et de représentants politiques et que, de ce fait, les électeurs pensent ce que pensent leurs représentants qui, eux-mêmes, expriment leur point de vue. L'enquête montre, en effet, que la connaissance des programmes, du personnel et des idées politiques est très inégalement distribuée : y compris chez ceux qui participent aux élections. Plus spécifiquement, l'abstention pose le problème des conditions sociales de possibilité d'une « opinion politique », c'est-à-dire de la compétence sociale et technique que suppose la participation à la vie politique34 : ainsi met-on en évidence une « logique censitaire » de fait35. De façon générale, l'enquête montre non seulement l'inégale distribution de la participation électorale et des compétences politiques, mais aussi celle de « l'intérêt » pour la politique36. Plus précisément, elle établit la relation très étroite entre le capital scolaire et les chances d'avoir une opinion. En fait, la propension à prendre la parole est proportionnelle au sentiment d'avoir droit à la parole37 : elle suppose à la fois une « compétence technique », c'est-à-dire à la capacité de comprendre le discours politique, mais aussi une « compétence sociale », c'est-à-dire le sentiment d'être statutairement fondé à s'occuper de politique. En outre, la professionnalisation du métier politique - maîtrise d'un corpus de savoirs spécialisés et d'un lexique (qui emprunte de plus en plus souvent à la « science » économique) et d'une rhétorique spécifiques - implique une dépossession politique croissante des classes populaires. C'est dire qu'on ne peut pas déduire, par exemple, du vote RN d'un cariste ou d'une femme de ménage leur adhésion au programme du RN. Si ces votes RN n'ont évidemment pas « rien à voir avec le RN », il faut tenter de cerner leurs représentations du vote RN dont le degré de conformité au programme du RN peut être très approximatif : que veut dire celui ou celle qui vote RN ? L'enquête met en évidence la grande dispersion sociale et la volatilité des votes FN : celles et ceux qui votent FN ne constituent pas un « électorat » mais, selon l'expression de Daniel Gaxie, « un conglomérat »38. Contre le racisme de classe et l'ethnocentrisme populiste, ce livre rassemble pour l'essentiel des enquêtes qui, dans différents registres, tentent d'élucider les « raisons » et les causes des votes RN au sein des classes populaires.
Ordre d'exposition Dans la première partie, Patrick Lehingue met en évidence deux ou trois « idées reçues »Â sur l'électorat du Front National, Daniel Gaxie souligne les contradictions de sa « résistible ascension » du FN. Julian Mischi montre ce que l'essor du FN doit à « la décomposition de la gauche ».
La deuxième partie aborde la question très controversée de la géographie du vote FN, opposant métropoles et périphéries, à travers deux enquêtes ethnographiques : celle d'Emmanuel Pierru et Sébastien Vignon s'intéresse aux territoires ruraux, celle de Violaine Girard aux zones périurbaines. L'enquête menée par le collectif « Focale » met en évidence les effets à long terme des héritages politiques de gauche et des sociabilités syndicales : longtemps après, ils font toujours obstacle au vote FN.
La troisième partie, la plus développée, est consacrée aux « raisons » des votes FN des classes populaires. Stéphane Beaud et Michel Pialoux, mettent d'abord en évidence les effets de « l'exacerbation des luttes de concurrence » au sein des classes populaires. Louis Pinto montre comment la promotion d'un « nouvel ordre moral » assure une cohérence implicite du « conglomérat RN ». Stéphane Beaud et Michel Pialoux étudient ensuite le cas d'un couple d'ouvriers confronté aux « désordres du quartier ». Gérard Mauger montre ce que le vote FN peut devoir au « souci de respectabilité » dans la situation de procès où sont prises les fractions « établies » et « marginales » des classes populaires. Romain Pudal, tente d'élucider « l'attrait » qu'exerce le FN sur les sapeurs-pompiers. Enfin, Lorenzo Barrault-Stella et Clémentine Berjaud, s'intéressent aux votes FN de deux jeunes de Lycée Professionnel.
La quatrième partie montre qu'en dépit des apparences (Jordan Bardella en « fils du peuple », « immigré » de surcroît), le RN, si l'on s'en tient à la composition de son appareil, est loin d'être un parti « populaire ». Safia Dahani montre qu'il est investi par les cadres du secteur privé (« en haut à droite » de l'espace social) et Guillaume Letourneur que « les petits moyens » échouent à s'y faire une place à la mesure de leurs ambitions.
En conclusion, Willy Pelletier témoigne de « l'ethnocentrisme militant » des groupuscules antifascistes et Gérard Mauger et Willy Pelletier s'interrogent sur les conséquences politiques à tirer des enquêtes rassemblées dans ce livre. -
Pour l'autogestion socialiste : Charles Piaget. interventions, 1974
Théo Roumier
- Croquant
- 6 Octobre 2022
- 9782365123600
Dessin de couverture : Alain Frappier 1974, six ans après la grève générale de Mai 1968 et ses 10 millions de grévistes, le souffle révolutionnaire est toujours présent.
Une longue grève, celle des ouvrières et des ouvriers de Lip à Besançon, vient de s'achever. Par ses atours autogestionnaires (« on fabrique, on vend, on se paie » clament les grévistes), elle a reçu un important soutien populaire tant elle a pu préfigurer une « nouvelle légalité ouvrière », mettant directement en cause l'ordre capitaliste.
Charles Piaget, syndicaliste CFDT de Lip, militant PSU de Besançon, en a été propulsé porte-parole. Il a le sens et le goût du collectif.
En cette année 1974, au sein du « peuple de gauche », les questions se posent concrètement, taraudant les organisations politiques comme les syndicats : Comment faire basculer la France dans le socialisme ? S'agit-il de passer par la voie des urnes ou celle des luttes ? Faire le choix des réformes ou de la révolution ? Quel chemin emprunter pour arriver à ce fameux « débouché politique » qui se cherche depuis Mai ? Quelle organisation, quel parti, quelles alliances sont nécessaires pour cela ?
Ces questions ne sont pas neuves pour toutes celles et tous ceux qui ont l'émancipation et l'égalité au coeur, qu'anime la volonté de rompre avec un capitalisme mortifère, de changer le monde et la vie. Elles conservent encore aujourd'hui leur pertinence et méritent d'être remises sur le métier, encore et encore.
En 1974, c'est en syndicaliste, en militant politique, que Charles Piaget propose dans les textes de ce recueil des pistes pour répondre aux enjeux qui se posent alors. Les retrouver aujourd'hui permet de remonter le fil du temps pour mieux appréhender l'avenir d'un « socialisme de tous les jours ».
Ce cahier contient :
•Une introduction politique et historique de Théo Roumier, « Le socialisme, tous les jours » •Deux textes de Charles Piaget :
- « Il faut rejeter toute attitude de démission », entretien donné à Politique Hebdo du 3 octobre 1974 - « Que signifie aujourd'hui militer pour le socialisme, être révolutionnaire », texte de son intervention au meeting « Le PSU répond à vos question » du 24 octobre 1974 à la Mutualité •Un cahier iconographique en couleur •Une chronologie détaillée •Des notes biographiques •Une bibliographie Charles Piaget est une figure marquante de la grève des Lip à Besançon en 1973. Militant PSU et CFDT, il incarne nationalement cette lutte ouvrière parmi les plus importantes des « années 68 ». Il est brièvement membre de la Direction politique nationale du PSU sans abandonner son militantisme syndical et de terrain. Dans les années 1990 il anime l'antenne bisontine de l'association Agir ensemble contre le chômage (AC!). Il est aujourd'hui retraité et continue de transmettre la mémoire des Lip.
Théo Roumier a assuré la conception et la présentation de ce cahier de l'ITS. Syndicaliste SUD éducation en lycée professionnel, il est membre du Comité éditorial de la revue de l'Union syndicale Solidaires, Les Utopiques et auteur de plusieurs contributions sur l'histoire récente du syndicalisme et du mouvement libertaire et révolutionnaire. -
Presque rien : Une ethnographie carcérale des inégalités, des injustices et de la radicalisation
Bartolomeo Conti
- Croquant
- 7 Mai 2024
- 9782365124102
Pourquoi et comment des jeunes se radicalisent, tandis que d'autres, exposés aux mêmes conditions sociales et partageant un sentiment d'injustice, ne se radicalisent pas ? Pourquoi et comment certaines trajectoires aboutissent à l'extrémisme violent, alors que d'autres ne franchissent pas le seuil de la violence ? Cet ouvrage tente de répondre à ces questions à partir d'une recherche ethnographique réalisée durant trois ans dans une prison française. Évitant de porter une attention exclusive à des jeunes dits radicalisés, cette recherche prend en compte une ample variété de profils et de trajectoires de détenus, et ce afin de décrire et d'analyser également des trajectoires de « non-radicalisation ». C'est notamment en raison de cette focalisation conjointe sur ces diverses trajectoires et leur articulation avec les inégalités et le sentiment d'injustice que ce livre se distingue des nombreuses études sur la radicalisation et l'extrémisme violent, réalisées en France depuis la série d'attentats djihadistes de 2015. Par la voix des personnes détenues, ce livre propose ainsi un autre regard sur l'espace carcéral et nous invite à penser autrement la radicalisation et le basculement dans l'action violente.
Présentation de l'auteur
Bartolomeo Conti est sociologue, chercheur associé à l'École des Hautes Etudes en Sciences
Sociales. Il a été aussi chercheur à l'Institut Universitaire Européen et à l'Université de Berkeley, avant de faire partie du Panel international sur la sortie de la violence à la Fondation Maison des Sciences de l'Homme. Ses recherches portent sur l'Islam dans l'espace public et sur les processus d'entrée et sortie de la violence. Auteur du livre « L'islam en Italie : les leaders musulmans entre intégration et séparation », il a participé au projet européen Dialogue about Radicalisation and Equality, un des projets phares sur la question de la radicalisation en Europe. -
Le désir d'autorité émerge sur fond de « crises érosion » qui caractérisent le monde contemporain : la conjonction des diverses crises qui se suivent, qui se recoupent et qui se conjuguent depuis des décennies. Les sujets ont l'impression d'être emportés par le mouvement de la société comme par une érosion de terrain ; ils sont les objets impuissants de ces mouvements qui s'imposent à eux pour des raisons inconnues, incompréhensibles et de ce fait non-maîtrisables. Plus rien n'est fiable et sûr ; on est impuissant face aux crises qui s'abattent sur nous. La normalité de la société s'effrite dans le tourbillon des crises érosion. Les références normatives vacillent ; l'existence devient incertaine, imprévisible et angoissante. Elle est d'autant plus angoissante que cette situation est incompréhensible et, pour cette raison, elle est également non-maîtrisable. Le manque de (capacité de) compréhension et de maîtrise de la réalité est un autre facteur qui produit le désir d'autorité. Ce désir ne connait pas de raisons et pas d'arguments. Il est le souhait, en général irrationnel et obsessionnel, de vivre heureux grâce à la subordination à l'autorité. Cette relation est plus fantasmagorique que réelle mais elle peut porter un projet de société autoritaire. « C'est le désir qui crée le désirable, et le projet qui pose la fin » (Simone de Beauvoir). Néanmoins, le vécu de l'effritement des liens et des contraintes est aussi le vécu d'être « condamné à être libre » (Jean-Paul Sartre), entre autres, de prendre ses responsabilités et de créer l'avenir dans une situation qui s'est imposée aux acteurs, qu'ils ne comprennent pas et, par conséquent, qu'ils ne peuvent pas maîtriser. Cette liberté est trop lourde à porter et elle est angoissante. La « peur de la liberté » (Erich Fromm) pousse les sujets vers des fuites, entre autres, des fuites vers la subordination à une nouvelle autorité qu'ils désirent car elle leur promet de la certitude, de la sécurité, le calme et un avenir assuré. Il existe cependant également des critiques radicales selon lesquelles la normalité représentée par l'autorité établie est impossible et indésirable. On doit changer la réalité afin d'établir une normalité désirable. Ces critiques ne sont pas à confondre avec les multiples dénonciations de l'autorité et la demande anti-autoritaire de l'effacer dans un geste de négativité abstraite. L'expérience de la non-identité peut mener à la découverte du potentiel d'une autre réalité, un potentiel qui existe dans le monde « faux » (Adorno) et qui permet d'imaginer une normalité de la liberté à réaliser : un nouveau projet de société où l'autorité serait raisonnable, critiquable et modifiable. Ces critiques peuvent développer le potentiel pour créer une autre normalité grâce aux expériences des acteurs et à leur imagination mais elle est peu développée dans la société actuelle. Afin de mieux comprendre le cercle vicieux de la vie dans une société profondément marquée par des crises érosion et les avenirs possibles portés par le désir d'autorité, nous reprenons le fil des théories critiques. Ce sont elles qui dégagent, à partir de la réalité, le potentiel de dépassement du cercle vicieux mais également les forces qui entravent ce possible dépassement.