Eterotopia
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Femmes, corps et révolution
Aleksandra Kollontaj, Rosa Luxemburg, Clars Zetkin
- Eterotopia
- Rhizome
- 8 Février 2024
- 9791093250649
Quatre femmes de nationalités différentes, de langues différentes, traversent les années tumultueuses de la révolution bolchevique. Elles s'appellent : Rosa Luxemburg, Clara Zetkin, Alexandra Kollontaï et Asja Lacis. Elles sont des militantes, des artistes, des activistes et chacune d'elles apportera une contribution spécifique et originale à la révolution. Elles sont des femmes et leur regard est plus libre, intéressé à mettre l'accent sur la dimension de la vie, des passions, de la créativité et du féminisme des premiers temps. Rosa Luxemburg, fondatrice de la Ligue de Spartacus questionnera les structures de pouvoir envisagés par les Soviets, elle luttera dans l'Allemagne épuisée de l'après-guerre pour affirmer le regard puissant et compatissant de ceux qui partagent la condition de l'oppression. Clara Zetkin fera de la bataille pour les droits
des femmes un élément d'affirmation spécifique de la condition féminine qui ne peut pas être réduite à la seule lutte de classe. Aleksandra Kollontaï, dans le grand bouleversement de la révolution bolchevique, indiquera dans la liberté sexuelle et dans le dépassement des rôles une critique non seulement de la société bourgeoise mais aussi du patriarcat. Le théâtre pour enfants d'Asja Lacis se réalisera dans les moments les plus difficiles du chemin [cheminement?] révolutionnaire, la même Lacis finira en Sibérie. Elle ne niera jamais son adhésion à la révolution, elle renforcera plutôt son engagement en tant qu'artiste, ayant travaillé avec Bertold Brecht, poursuivant la recherche pédagogique d'un théâtre destiné aux enfants les plus démunis. À ces femmes et à beaucoup d'autres, souvent passées sous silence, nous devons la force de pouvoir encore affronter et combattre dans un monde qui n'a pas été capable d'effacer ses nombreux préjugés par rapport aux subjectivités féminines. Les textes ici rassemblés ne sont que partiellement connus, certains pas publiés depuis un certain temps, comme dans le cas de Clara Zetkin, d'autres encore inedits en France comme pour Asja Lacis. Ce livre s'articule autour du thème du regard féminin et de la différente façon d'agir des femmes. Ce volume est le premier d'une trilogie qui se propose de s'interroger sur les moments de transition les plus marquants du féminisme et du militantisme féminin aux XXe et XXIe siècles. -
« Seule demeure la langue maternelle » c'est un entretien avec Gu¨nter Gaus paru à la Télévision allemand le 28 octobre 1964. Dans ce texte Hannah Arendt souligne sa pensée politique par rapport aux problèmes du déracinement, de l'appar- tenance surtout à la langue d'origine, qui même dans les situations plus difficile résiste comme une façon particulière de regarder le monde. Dans une situation politique critique, la pensée a le pouvoir de prévenir les fausses valeurs et fausses croyances et, par suite, celui de nous préparer à la faculté du jugement, ce qui est la plus politique des activités mentales. Pour toutes ces raisons, auxquelles il faut ajouter la fonction de régulation éthique, nous voyons que la pensée conserve d'importantes affinités avec l'action, la politi- que et le monde des apparences. Bien qu'elle découvre, en visitant les décombres de la tradition philosophique, les raisons pour lesquelles la pensée s'est toujours opposée à l'action et à la politique, Hannah Arendt se refuse à croire qu'elle n'ait pas une place propre dans la vie de l'homme commun. Dans le deuxieme essai ici proposé «Compréhension et politique» du 1953, Arendt aborde la question de la ruine du sens commun. Pour elle, l'effondrement de la société de classes a mené à la désolation des individus, c'est-à-dire à leur déracinement social et culturel. Perdus, ils se sont alors repliés vers le totalitarisme qui présentait une certaine cohérence. Son autre ouvrage majeur est un essai sur le procès d'Adolph Eichmann, l'un des exécutants de la solution finale. Dans Eichmann à Jérusalem, elle décrit le gradé nazi comme un homme ordinaire, privé de conscience, illustrant la fameuse idée de la « banalité du mal ». Montrant avec force qu'Eichmann se contentait d'obéir aux ordres. Ses derniers ouvrages sont, eux-aussi en prise directe avec l'époque. Le totalitarisme n'est plus politique, il est désormais économique : le capitalisme triomphe. Ce sont La Condition de l'homme moderne et La Crise de la culture. Elle y critique la suprématie du monde du travail. Suprématie qui exerce une pression de plus en plus forte sur les individus:chacun doit se battre pour sur- vivre. Cette déshumanisation soumet le citoyen au diktat de l'économie et appauvrit sa réflexion politique. C'est tout l'espace public qui en pâtit.
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Géopoétique de l'eau ; hommage à Gaston Bachelard
Thierry Paquot
- Eterotopia
- 14 Mai 2016
- 9791093250144
L'eau est indispensable au vivant (aux plantes comme aux animaux) et à l'humain. Chacun à en tête la photographie d'un champ aride, craquelé, sec, encombré de carcasses de bovins en décomposition. La sécheresse depuis des temps immémoriaux est considérée comme une calamité, la punition d'un Dieu mécontent ou un sinistre aussi grave que son contraire, l'inondation !
Si la quantité d'eau présente sur Terre ne varie guère d'une année à l'autre, elle est inégalement répartie, aussi certains territoires doivent effectuer un dessalement coûteux en énergie (solaire, éolienne.), tandis que d'autres pratiquent l'épuration et protègent l'aquifère. Au final, l'eau apparaît aux uns comme un enjeu et aux autres comme une ressource, dans les deux cas, elle fait l'objet de tensions géopolitiques et enrichie les multinationales qui la distribuent.
C'est principalement l'agriculture productiviste qui surconsomme l'eau, les canons à eau arrosent les champs de maïs tandis que le lisier des cochons pollue les nappes phréatiques. L'industrie agro-alimentaire n'est pas en reste, chaque bien nécessite une certaine quantité d'« eau virtuelle », ainsi un kilo d'hamburger réclame en moyenne 16 000 litres d'eau, un kilo de poulet 5 700, un kilo de fromage 5 000, de pain 1 300. Pour le dire autrement, il faut de 400 à 2000 litres d'eau selon les régions pour récolter un kilo de blé ! Les entreprises de textiles, d'électronique, de métallurgie, etc., utilisent également beaucoup d'eau.
Chaque année les organisations internationales dénombrent les sans eau (plus de 800 millions en 2015), la majorité résident en Afrique et sont victimes des maladies hydriques (choléra, diarrhées, légionellose). L'inégalité face à l'eau potable est flagrante. Si l'on considère que 20 litres par jour et par personne est un minimum, certains terriens ne disposent que d'un à deux litres tandis qu'un Américain « moyen » en consomme 500 litres (certains moins et d'autres plus pour laver leurs 4x4, remplir leur piscine et arroser leur pelouse dans les régions particulièrement chaudes de la Sun Belt), un Européen « moyen » environ 300 litres.
L'eau appartient aux quatre éléments selon la culture occidentale, avec la terre, l'air et le feu. La culture orientale admet cinq éléments et ajoute le métal ou le bois. Les philosophes s'en sont préoccupés dès l'aurore de la pensée. Gaston Bachelard (1884-1962) a consacré plusieurs ouvrages à cette « imagination matérielle » des éléments, dont L'Eau et les rêves (José Corti, 1942) que nous relisons ici et situons dans l'ensemble de son oeuvre afin de penser l'eau en ce début du XXI siècle où nombreux sont ceux qui la proclament « bien en commun ».
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Technique et expérience, mélancolie de gauche et autres textes
Walter Benjamin
- Eterotopia
- 25 Octobre 2016
- 9791093250120
Le choix de textes de Walter Benjamin (1929-1933) présentés dans ce livre concerne le rapport entre la technique et l'existence, avec un essai encore inédit en France, Mélancolie de gauche.
Au centre de ce livre il y a le rapport entre corps et transformations techniques qui transforment les subjectivités et le social, surtout eu égard à ce que Benjamin appelle la « pauvreté de l'expérience ».
Benjamin a été sans doute un des premiers philosophes à avoir compris comment un tel processus de transformation du capital pouvait agir en vue d'une domestication à travers l'introduction de la technique dans la vie et vice-versa.
Voici ce que le philosophe allemand écrit dans Expérience et pauvreté :
« De barbarie ? Mais oui. Nous le disons pour introduire une conception nouvelle, positive, de la barbarie. Car à quoi sa pauvreté en expérience amène-t-elle le barbare ? Elle l'amène à recommencer au début, à reprendre à zéro, à se débrouiller avec peu, à construire avec presque rien, sans tourner la tête de droite ni de gauche. Parmi les grands créateurs, il y a toujours eu de ces esprits impitoyables, qui commençaient par faire table rase. Il leur fallait en effet une planche à dessin, ils étaient des constructeurs ».
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Carla Lonzi achève Crachons sur Hegel durant l'été 1970 et signe avec ce livre une rupture intellectuelle, artistique, politique et existentielle, qui s'accompagne d'un tournant décisif dans sa vie personnelle.
Carla Lonzi considère que l'oppression des femmes et le dualisme homme-femme sont constitutifs de la culture occidentale. La dialectique maître-esclave de Hegel, et à sa suite le marxisme, ne font que mettre en sourdine l'oppression encore plus radicale qui réside dans le rapport homme-femmes et qui « se cache dans les ténèbres des origines ». C'est la culture patriarcale qui est dialectique. Carla Lonzi oppose à cette vision un mouvement de sortie décisif, qui exige de passer de l'autocritique à l'imagination, de la domination culturelle à la déculturation active.
Si la survie est une valeur, alors la femme doit se reconnaître comme immanence, là où l'homme est transcendance et abstraction et néglige la vie. Ce qui existe est le présent, non le but.
Le mouvement féministe des années 1970 trouve avec Carla Lonzi et son groupe Rivolta Femminile des femmes capables de renverser le sens des choses, et ce même à l'intérieur d'un mouvement historique de transformation des moeurs qui ne parvenait pas à briser le tabou ancestral de l'asservissement des femmes ; le sujet imprévu - relatif, aurait ajouté Simone de Beauvoir.
Rendre la femme à elle-même est le parcours que Carla Lonzi dessine avec ce livre.
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Ces quatre textes figurent dans l'ouvrage de Maurice Bardet, La Fin du paysage, publié en 1972 chez Anthropos avec des photographies de l'auteur. Bernard Charbonneau (1910-1996), ami de Jacques Ellul, s'intéresse très tôt au sentiment de la nature et aux dégradations que l'agriculture productiviste et l'acharnement industriel imposent aux paysages.
Précurseur de l'écologie politique, collaborateur de La Gueule Ouverte (1973-1977) et de Combat Nature, il dénonce les « grand travaux » (autoroutes, aménagement de la côte Aquitaine, zone touristique du Languedoc...) et les enlaidissements volontaires (lotissements pavillonnaires, décharges à ciel ouvert, « boîtes » des centres commerciaux, station- service dupliquée, parcs à thème...). Il n'hésite pas à nommer les responsables (hauts fonctionnaires, élu-e-s, promoteurs, multinationales du commerce et des loisirs, exploitants d'une agriculture intensive, consommateurs béats...). Au-delà d'un cri contre ceux qui défigurent la France, l'auteur généralise son propos et explique pourquoi aucun pays ne va échapper à cette banlieuisation forcée, aux conséquences désastreuses. La banlieue totale s'accompagne d'un pouvoir total qui marchandise chaque fait et geste de chacun, ses territorialités comme ses tempolarités. Cinquante ans plus tard, cette colère reste salutaire et annonce les nôtres !
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Le dernier Marx, communisme en devenir
Michael Löwy, Pier Paolo Poggio, Maximilien Rubel
- Eterotopia
- Rhizome
- 3 Octobre 2018
- 9791093250298
Dans les années 1881-1882, Marx développe un intérêt particulier pour les sociétés pré-capitalistes (parmi lesquelles notamment les communautés rurales russes) ainsi que pour des pays comme l'Égypte, l'Algérie ou l'Inde, où s'engagent alors des luttes contre la domination capitaliste. On fait souvent de Marx le principal connaisseur, et théoricien, du prolétariat d'usine. Cette assertion, sans doute légitime, mérite pourtant d'être précisée, car l'étude des communautés paysannes constitue également une partie très importante de son oeuvre, et elle la traverse en quelque sorte dans son intégralité - jusqu'aux célèbres propos, décisifs et bouleversants, qu'il tiendra sur la Russie. De telles réflexions sont développées dans une lettre à Véra Zassoulitch, figure éminente du populisme révolutionnaire, et surtout dans les nombreuses versions préparatoires de celle-ci. Maximilien Rubel verra dans ces manuscrits le véritable « testament politique » de Marx.
On y trouve un refus de l'idée, partagée par la majorité des marxistes russes et calquée sur un modèle occidental, selon laquelle il s'agit d'en passer par un développement du capitalisme en Russie. En rejetant la conception évolutionniste et linéaire du « progrès », Marx s'intéresse à une forme sociale « archaïque » - mot par lequel, à son avis, « il ne faut pas trop se laisser effrayer ». Le socialisme de l'avenir en représenterait une manifestation supérieure, qui y mêle certains acquis de la modernité. Marx reprend des analyses présentes dans les Grundrisse, et notamment dans les cahiers publiés sous le titre de Formen, die der kapitalistischen Produktion vorhergehen, axés sur les différentes formes communautaires qui précèdent le surgissement du mode de production capitaliste. Un ensemble composite de « communautés naturelles » où la forme sociale dominante, la commune, « n'apparaît pas comme résultat mais comme présupposé de l'appropriation (temporaire) et de l'utilisation collective du sol ».
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éléments de rythmanalyse et autres essais sur les temporalités
Henri Lefebvre
- Eterotopia
- Rhizome
- 24 Septembre 2019
- 9791093250359
Théoricien de la critique de la vie quotidienne, Henri Lefebvre (1901-1991), s'intéresse aussi bien aux habitudes, à la routine, aux rites calendaires qu'aux rythmes individuels et sociaux, qui donnent là chacun, comme à toute société, son tempo. L'ordinaire entrelace mille et un rythmes et combine aussi bien des moments répétitifs, comme dans l'usine taylorisée, que des ruptures festives ou cultuelles.
Avec l'urbanisation les temporalités se modifient, le temps vécu se distingue à la fois du temps représenté et du temps rêvé. Pas de territorialité sans ses temporalités, d'où une rythmanalyse que Bachelard avec esquissée et que Lefebvre élabore en recherche. Publiés en 1992, ces Éléments de rythmanalyse. Introduction à la connaissance des rythmes, augmentée d'« Essai de rythmanalyse des villes méditerranéennes » rédigé avec Catherine Régulier, n'étaient plus disponibles, d'où cette réédition complétée par trois articles : « Musique et sémiologie » (1971) ; « La musique et la ville » (1976) et « Le projet rythmanalytique » (avec Catherine Régulier, 1985). Cet ensemble de textes constitue un précieux et indispensable corpus lefebvrien pour qui souhaite, non seulement approfondir sa connaissance d'un penseur exceptionnel, mais aussi prolonger ses réflexions sur les rythmes.
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Dans un récit évocateur et panoramique de l'enfance urbaine, Colin Ward donne vie à la myriade de façons subtiles dont l'enfant a utilisé la rue dans le passé et le fait encore aujourd'hui.
Dans ce contexte, il se demande s'il est vrai, comme beaucoup le croient, que quelque chose a été perdu dans la façon dont les enfants vivent leur environnement urbain ; pourquoi certains enfants font preuve d'une ingéniosité sans bornes pour exploiter ce que la ville offre alors que d'autres sont isolés et prédateurs ; et que peut-on faire, à un moment où un grand nombre d'enfants de la ville sont en guerre avec leur environnement, pour rendre les liens entre ville et enfant plus fructueux et agréables pour tous.
Une exploration approfondie, attentive et opportune des façons dont la ville peut servir ou laisser tomber les enfants, ce livre soulève des questions urgentes pour les enseignants, les parents et les responsables des politiques.
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Femmes, races et décolonisation
Gloria evangelina Anzaldua, Paula Gunn allen, Audre Lorde
- Eterotopia
- Rhizome
- 22 Septembre 2022
- 9791093250557
Cet ouvrage met en relation les géo-bio-mytho-graphies de trois figures féminines dissidentes qui ont affecté le panorama des états-Unis pendant les années 1970 et 1990 : les écrivaines-professeures-féministes-militantes lesbiennes Audre Lorde, Gloria Anzaldùa et Paula Gunn Allen. Issues respectivement de la tradition afro-américaine, chicana et amérindienne, elles ont joué un rôle essentiel dans l'histoire et le développement des féminismes transnationaux et de la culture queer. La lecture et l'analyse des trois essais traduits dans ce volume permettent de dégager les caractéristiques de la communauté trans-ethnique des Third world women writers.
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Communistes de conseils contre le capitalisme d'état
Karl Korsch, Paul Mattick, Anton Pannekoek, Otto Rühle
- Eterotopia
- Rhizome
- 23 Mars 2023
- 9791093250595
Si dans le concert de la vie historique moderne la « politique de puissance » (Machtpolitik) donne le la, le bolchévisme ne fait pas exception ; ce n'est point « l'utopie au pouvoir » mais l'apothéose du réalisme politique (Realpolitik).
Le bolchévisme, dont la pratique du pouvoir s'arc-boute sur le jargon marxiste-léniniste et ses mots vedettes, a établi un régime social sui generis analysé par ses critiques les plus lucides comme capitalisme d'État. Acteurs, pour beaucoup, de la Révolution allemande (1918-1923), témoins d'une apparition du trésor perdu de la Révolution sociale, vaincus par la contre-révolution, ceux-ci, communistes de conseils, nous ont légué une histoire qu'il nous faut transmettre. En effet, cette pensée permet de renouer avec le projet d'une critique conjointe de la politique et de l'économie politique.
Alors que la société spectaculaire fait les frais de la politique de puissance, le communisme de conseils est une alternative si nous voulons, au milieu des ruines d'une civilisation marchande universelle et tautologique rivée à la boucle rétroactive argent-marchandise-argent, nous frayer un chemin vers un monde où, pour citer Adorno, « la paix est l'état de la différence sans domination dans lequel les différences communiquent ».
L'actualiser en l'historicisant permet de revisiter le présent et, pour reprendre les catégories marxiennes, de relancer l'émancipation humaine par-delà l'émancipation politique (bourgeoise, capitalistique). Cet héritage, il nous faut le sauver tout en en faisant la critique, cathartique. En proie aux catastrophes du présent, il est urgent de faire revivre une utopie concrète, projet de justice et de bonheur. -
Que sont les philosophies queer ? Comment
conceptualisent-elles la sexualité ? Combien de sexes reconnaissent-elles chez
les êtres humains ? Quel rapport entretiennent-elles avec la philosophie
politique ? Et quel rapport avec la « théorie du genre » ? Chaque question
génère d'autres questions, selon une progression fractale. Le volume procède par
problèmes, indique des pistes de recherche, émet des hypothèses de généalogie.
Son but n'est pas de résoudre l'énigme de la relation entre sexualité et pouvoir
par une argumentation linéaire, mais d'explorer la pluralité de ses dimensions.
Il n'entend pas non plus clore le débat, polémique. Il entend plutôt présenter
un côté particulièrement dérangeant de la philosophie critique et expliquer
pourquoi celle-ci ne cesse de soulever des conflits au sein des mouvements
sociaux, des universités et de l'opinion publique des sociétés actuelles.
L'ouvrage répond à la fois aux intérêts des débutant-e-s et des spécialistes du
domaine. Le récit est divisé en trois chapitres accessibles, qui peuvent être
lus indépendamment. Le premier chapitre, « Théorie critique et philosophie
politique », soutient que les théories queer sont ancrées dans la tradition,
philosophico-politique, critique, qui se définit de manière différenciée par
rapport à deux autres traditions philosophico-politiques, à savoir le réalisme
et le normativisme. Dans le deuxième chapitre, « Exercices de critique queer :
comment "fonctionne" la sexualité », on présente une critique de
l'hétérosexisme, ainsi que du binarisme inhérent au système
sexe-genre-orientation sexuelle qui est aujourd'hui adopté pour définir les
identités sexuelles, en adoptant le point de vue des subjectivités trans,
non-binaires et intersexes. Le troisième chapitre, « Éléments de théorie queer
», esquisse une histoire du débat queer, dont de multiples généalogies sont
proposées, allant des mouvements féministes et de libération sexuelle des années
1960 et 1970 à l'Ecole de Francfort dans les années 1930, en passant par les
luttes anticoloniales des années 1950 et 1960. Au sein de cette histoire, trois
paradigmes différents sont mis en évidence : le freudo-marxisme, le
constructionnisme radical et les théories antisociales et des affects. -
Pouvoir et répression, eurocommunisme, crise du modèle léniniste, fonction de la classe ouvrière, agencements collectifs révolutionnaires et critique de la notion du sujet révolutionnaire, nomadisme du désir et circulation internationale des luttes, révolution machinique et révolution moléculaire, schizophrénie et schizo-analyse, critique de la psychanalyse et théorie de la pulsion de mort, valeurs d'usage et valeurs de désir, micro-fascisme quotidien, nouveau militantisme et libération, processus révolutionnaire et auto-organisation du désir, dépassement de la figure de l'intellectuel. Il apparaît donc nécessaire de retracer les agencements matériels, subjectifs, sociaux capables de créer les conditions par lesquelles le désir, concept central dans toute l'oeuvre de Félix Guattari, ne cesse de communiquer et de réinventer le champ social. Dans ces deux entretiens, réalisés, pour le premier (inédit en France) en 1977, et pour le deuxième en 1992, Félix Guattari aborde les problèmes essentiels de la construction d'une pratique et d'un discours révolutionnaires ici et maintenant, en se confrontant à la contradiction et à la richesse des processus de transformation en cours.
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L'artifice humain : Pour une anthropologie « négative »
Günther Anders
- Eterotopia
- Rhizome
- 21 Mars 2024
- 9791093250656
Günter Anders était, comme il devait le rappeler lui-même, un penseur chassé de toutes les frontières et c'est à partir de cette condition que nous pouvons comprendre une vie intellectuelle inquiète qui a traversé les événements, souvent dramatiques, d'une grande partie du siècle dernier. De cette situation, Anders réussit à produire une réflexion intellectuelle très riche, fondée sur une base théorique d'une grande importance, à partir aussi d'une formation philosophique qui a vu une comparaison variée avec la phénoménologie, l'anthropologie philosophique (dont il peut être considéré comme l'un des premiers et des plus radicaux représentants), l'existentialisme, l'éthique technologique. Ce recueil de textes, notamment de jeunesse, veut permettre d'approcher la figure d'un penseur qui offre encore aujourd'hui des pistes importantes pour pouvoir réfléchir de manière critique sur la dynamique de la civilisation technologique et sur les enjeux environnementaux de plus en plus urgents qui en découlent.
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Ce livre étudie les luttes de groupes de Noirs qui se battent pour leur dignité. Il examine le rôle déterminant que jouent ces femmes et ces hommes noirs qui soignent les combattants, les blessés mais aussi les morts. Dans certaines situations, cette prise en charge de vies précaires et des corps sans vie peut produire des effets pervers : l'affolement, le chaos, voire l'extermination. Dans d'autres circonstances, cependant, ces comportements peuvent sauver des vies, procurer des bases pour une réorganisation de l'existence noire et contenir, par conséquent, des fragments du monde à venir pour lequel se battent ces subalternes. L'un des principaux facteurs de réorganisation sociopolitique qui ressort de ces actes de soin est la prise en charge de vies humaines indépendamment de toute allusion au droit moderne et à l'appartenance sociopolitique, comme si prendre en charge la vie impliquait nécessairement la destruction de l'idée même de la communauté politique au sens euro-occidental du terme. Cette ouvrage propose de lier cet appel à la destruction de la communauté politique fondée sur le droit moderne, à la demande en faveur de la destruction du monde blanc qui, entant qu'un infrapolitique des luttes noires, a marqué le long tournant introduit par des noirs dans la pensée critique et radicale au début du siècle dernier. L'ouvrage se construit autour de ce projet en rassemblant sous le vocable de « tradition afrocritique » un certain nombre de travaux d'auteurs d'Afrique et de ses diasporas qui, depuis un siècle, se sont intéressés aux rapports entre modernité, violence raciale et dignité noire.
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Dans les anciennes puissances coloniales et impériales du Nord global, les gouvernants comme les gouvernés ont durablement autant que massivement la mémoire qui flanche dès lors qu'il s'agit de faire face à l'héritage de la colonisation et aux bilans de celle-ci, notamment dans sa partie la plus violente. Le cinéma est le parfait témoin de cette condition mémorielle : un fil colonial et impérial le parcourt depuis ses origines (Les actualités Lumière et Pathé), dès les années 1930, le film colonial y prospère comme un genre à part entière - tout en faisant l'objet d'un déni massif, en demeurant privé de son nom, vendu au public populaire en contrebande comme film d'aventures exotiques, drame militaire, film d'action, tragédie romantique... Cet essai s'attache à montrer que le film colonial existe comme genre spécifique, doté de ses caractéristiques propres, ses invariants, ses stéréotypes, ses ritournelles, aussi bien dans les cinématographies ouest-européennes que dans le monde enchanté d'Hollywood. C'est un cinéma totalement émancipé des faits et réalités de la colonisation réelle, constamment appliqué à la transfigurer au point d'en faire un monde de enchanté, un monde à rêver - une pure fantasmagorie. Cette métamorphose du monde colonial apparaît particulièrement litigieuse lorsque sont en question les violences coloniales, les massacres coloniaux - ici, l'usine à rêves qu'est censé être le cinéma se transforme en fabrique du mensonge historique. Les crimes de la colonisation reviennent méconnaissables vers le public populaire friand de ces films peuplés d'espèces sauvages et de paysages exotiques, théâtre d'aventures torrides : la civilisation blanche poursuit son inexorable marche en avant, le fusil à répétition à la main. Le film colonial, c'est le terrain d'aventure de l'imaginaire de l'homme blanc allégé du souvenir des méfait et des crimes de la colonisation.
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Cet essai en huit paragraphes explore huit images pour montrer leur capacité de bouleversement. Son titre, L'oeil hanté, alerte sur la présence de fantômes qui viennent agiter le regard. Walter Benjamin est sans doute le premier des spectres qui traverse cet écrit en cherchant à attraper les expériences de liberté qui se tiennent dans les pratiques artistiques. Il s'agit de construire ce qu'il a appelé de ses voeux une politique des images, en lieu et place d'une image de la politique.
Les huit temps et contretemps de cet écrit se percutent et se répondent. Guernica de Picasso pointe à travers le regard d'un enfant dans toute sa puissance, puis les Prismes d'Adorno jettent une lumière vive sur l'après-guerre. Filmer frontalement la face d'un ancien nazi, impénitent et menteur, fait comprendre qu'il est vain de chercher à lui extorquer des aveux, dans le dialogue cinématographique entre Kramer et Harlan. L'esthétique de la résistance de Peter Weiss donne l'image de trois jeunes qui se voient comme les vaincus et les survivants d'une fresque de la Grèce ancienne. L'histoire de l'art s'en trouve retournée. Jean-Yves Jouannais attrape de tels éclats dans ses collages. Kader Attia amène le face-à-face de poilus de la guerre de 1914-1918 et de la statuaire africaine. Enfin, El Siluetazo fait ressurgir les trente mille disparus de la dictature militaire sur les murs de Buenos Aires à travers leurs silhouettes.Ces huit images impliquent toutes une relation au passé, elles cherchent les moyens de résister à l'obscurité du présent, et peuvent accompagner le lecteur et la lectrice pour interroger le monde tel qu'il est. -
Le voyage contre le tourisme (3ème édition)
Thierry Paquot
- Eterotopia
- Rhizome
- 7 Mai 2024
- 9791093250670
L'Office Mondial du Tourisme fanfaronne : les touristes sont deux milliards. Que signifie qu'un Terrien sur quatre soit
à un moment de l'année un touriste ? Une plus grande tolérance envers autrui ? Une ouverture d'esprit marquée par
une curiosité sans limite ? Une disponibilité accrue envers ce qui nous est étranger ? Le tourisme n'est pas neutre. Il
favorise une économie globalisée aux retombées locales minimes et banalise un néo-colonialisme de subordination
généralisée... De même, croire que le hit-parade des « hauts lieux » de l'Humanité mis en place par l'Unesco stimulerait
une « mémoire collective » aux fonctions éducatives se révèle un incroyable leurre. La multiplication des équipements
standardisés (aérogares, hôtels, musées, fronts de mer et de fleuve, « quartiers historiques », etc.) et des
coûteux « événements » (Jeux Olympiques, Expositions universelles, etc.) homogénéisent les sites, leurs temporalités
et leurs spectacles. Le pic pétrolier et le dérèglement climatique appellent à une plus grande responsabilité envers le
pourquoi et le comment des mobilités. Le tourisme est déjà responsable de 8 % des émissions mondiales de gaz à
effet de serre... Faut-il, là aussi, décroître ? Il convient, à coup sûr, de rompre avec le tourisme massifié (et ses sousproduits
que sont les tourismes sexuel, médical, équitable, durable...) et de privilégier le voyage et ses acclimatations
progressives aux cultures que l'on découvre, plus lentes, plus économes, plus attentives. L'être humain est relationnel,
il serait aberrant de lui interdire de voyager ! Mais, compte tenu des nouvelles contraintes environnementales,
il devient indispensable de repenser le proche et le lointain, ces deux aimants de toute boussole existentielle. -
L'Europe, aujourd'hui, est constellée de points d'abandon où, paradoxalement, se joue l'avenir du continent. Ce sont les arrière-cours des gares internationales, les landes autour des ports, les refuges et hangars des villes frontalières. Ils sont la face cachée des plateformes centralisées des politiques migratoires européennes qui prônent l'efficacité et produisent l'attente, l'errance, l'illégalité, et le désespoir. Le point de fixation est le revers du hot spot, sa contradiction racisée, fantasmée, antagoniste. Il est aussi l'expression du besoin et du droit de se fixer quelque part, de forger des attaches, de cultiver un sentiment d'appartenance. Lieu de dernier recours, peut-être, et prémisse de nouvelles formes d'organisation, le point de fixation est une concentration de fugitivité et d'intransigeance, de stratégies de contournement et de refus de disparaître. Il en résulte des méthodes de coopération et de concertation entre des populations sédentaires et hyper mobiles, sociologiquement très diverses, là où les autorités ne pointent qu'inertie ou pathologie. Ni une occupation au sens traditionnel, ni un mouvement social, le point de fixation est un prisme sur de nouvelles configurations de lutte et de désobéissance, réunissant des trajectoires très disparates autour de priorités sans « programme », dans la durée, en prise avec la conflictualité et la quotidienneté de l'espace urbain. C'est pourquoi ce livre se propose d'« habiter le point de fixation » : comme un projet d'exploration, d'écoute, de participation, d'incorporation, de continuation, de théorisation aussi, engagé lucidement, mais activement, depuis un des points de fixation les plus enracinés et les plus puissants du paysage actuel, La Chapelle, à Paris, en l'inscrivant dans une constellation transnationale et transversale.
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Manifeste pour l'abolition de la sécurité
Mark Neocleous, Anti-Sécurité Collectif
- Eterotopia
- A Present
- 23 Septembre 2025
- 9791093250779
La sécurité constitue le concept suprême de la société bourgeoise, la sécurité sous-tend toutes les structures de pouvoir existantes.
La sécurité repose sur l'idée monstrueuse que nous sommes seuls et enfermés dans une compétition pour des ressources rares, que la propriété privée est un droit naturel, que nous devons protéger notre îlot de vie privée contre la menace des autres et que nous devons nous soumettre à l'autorité pour le faire.
La sécurité nous encourage à croire que l'État existe pour nous protéger d'une liste toujours croissante de menaces internes et externes, des criminels aux terroristes, des insurgés aux cartels de la drogue, des migrants aux réfugiés.
La sécurité exige que nous levions les yeux et que nous nous soumettions au Léviathan, plutôt que de porter un regard solidaire sur nos semblables sur cette planète, humains ou autres. La sécurité nous dit que nous sommes des obstacles à la liberté de chacun, plutôt que la réalisation de celle-ci.âE¨ -
Rituels et violences dans la performance
Olivier Lussac
- Eterotopia
- Parcours
- 11 Février 2020
- 9791093250373
Partant du postulat que la performance, en tant qu'art d'action, est une forme décomplexée et individuelle du rituel qui, autrefois, avait cours de manière collective dans toutes les sociétés, l'auteur tente d'évaluer la portée de cette création qui est apparue dans les années 70 et qui, aujourd'hui, recouvre de nombreux aspects. Convoquant en même temps les paroles d'artistes et des écrits théoriques sur le domaine, son propos se décline en trois chapitres. Le premier met en lumière une possible définition de la performance, en regard du rituel (dans ses définitions anthropologiques, artistiques et esthétiques). Cet aspect conduit l'auteur à estimer que la performance est peut-être une nouvelle activité rituelle non fixée, fondamentalement plastique. Le second s'applique ensuite à l'analyse du contexte des années 70, avec, comme apogée, une étude sur les actions de Carolee Schneemann, en regard de l'érotisme et de l'objectivation, de l'essentialisme féministe et de l'écoféminisme. Le troisième, davantage contemporain, décline enfin les activités artistiques d'une des plus grandes artistes actuelles, Regina José Galindo, et ses possibles influences, afin d'évaluer les fondements d'une création engagée, et dont les thèmes principaux sont la violence, l'abjection, l'obscénité, et portant à l'acmé les questions du viol et du féminicide... La performance n'est donc pas, comme on a souvent tendance à le faire croire, un jeu artistique conforme et gratuit, mais plutôt une résistance aux traumatismes sociétaux et un « au-delà de l'esthétisable ».
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Un abécédaire sensible des bibliothèques
Muriel Amar, Joëlle Le Marec
- Eterotopia
- Recherches
- 22 Mai 2025
- 9791093250762
Il existe en France 16 000 points lectures et bibliothèques publiques, 1 500 bibliothèques universitaires. Selon les données les plus récentes, en 2016, près de 90 % des français déclarent en avoir fréquenté. En outre la composition des publics est entièrement comparable à la structure de la population française du point de vue des catégories socio-professionnelle. Elle est en cela l'équipement culturel le plus démocratique. Elle aussi pourtant presque invisible dans la réflexion collective contemporaine, tant elle est à la fois présente et discrète. Elle incarne une conception politique originale : celle du soin, de la proximité, de la maintenance, de l'ajustement constant à ce qui change. à quoi tient le caractère exceptionnellement accueillant, démocratique, et pacifique de la bibliothèque ? Dans cet ouvrage nous voulons rendre visibles et audibles les présences et les voix discrètes d'une communauté professionnelle occupée jour après jour à entretenir la bibliothèque comme lieu extraordinairement habitable.
Le fait que la bibliothèque ne ressemble pas à un milieu écologique « naturel » (par exemple une forêt), et qu'elle soit souvent réduite à un équipement, un instrument dont disposeraient des acteurs politiques, empêche d'en voir l'essentiel. Elle est un milieu unique. Elle maintient les conditions vécues, concrètes, d'un projet collectif : un lien vivant entre savoirs, égalité, attention, souci de soi et d'autrui. L'institution parfois réputée conservatrice occupe du simple fait de tenir à ce qui est important, une place aux avant-gardes d'une écologie générale et des perspectives ouvertes par les épistémologies du soin, de la protection et de l'attention.
Cet ouvrage propose non pas un texte lissé, mais les éléments d'un dialogue, autour de termes, de questions importantes, d'aspects jugés essentiels par les bibliothécaires qui maintiennent l'institution. -
La biorégion urbaine ; petit traité sur le territoire bien commun
Alberto Magnaghi
- Eterotopia
- Rhizome
- 23 Avril 2014
- 9791093250007
L'urbanisation du monde est elle irréversible? Pourquoi faudrait-il l'arrêter, l' « air de la ville » rend libre, n'est-ce pas ?
Effectivement, il fut un temps où il permettait de s'affranchir du fief, puis quand aller chercher un salaire à l'usine libérait de la fatigue des champs. Mais aujourd'hui, la ville, cette terre promise, n'est plus qu'un mirage.
Le plus grand exode de l'histoire de l'humanité est à l'oeuvre : d'une part vers l'hyper-espace télématique, assujetti à la domination des réseaux globaux et, d'autre part vers les mega-cities ou méga-régions de dizaines de millions d'habitants du Sud et de l'Est du monde.
En 2050, sur 9 milliards d'habitants 6,4 seront des urbains selon l'ONU. Mais les protagonistes de ce méga-exode n'arrivent plus « en ville », ils arrivent dans des urbanisations démesurées et sans fin.. Ces produits exponentiels des processus de déterritorialisation ont déjà gagné les banlieues de la ville-usine occidentale et ils se traduisent par la rupture des relations culturelles et environnementales avec les lieux et avec la terre, la perte des liens sociaux, la dissolution de l'espace public, des conditions d'habitat dé-contextualisées et homogènes, et la croissance de nouvelles pauvretés.
Dans la civilisation des machines, ce "royaume" du post-urbain, et du post-rural s'est construit par la rupture des relations de co-évolution entre les établissements humains, la nature et le travail, qui caractérisaient, avec leurs bienfaits et leurs méfaits, les civilisations précédentes. La voie de la déterritorialisation sans retour a été ouverte par l'enclosure des commons, la privatisation et la marchandisation progressives des biens communs naturels (la terre, d'abord, puis l'eau, l'air, les sources d'énergie naturelle, les forêts, les rivières, les lacs, les mers, etc) et des biens communs territoriaux (les villes et les infrastructures historiques, les systèmes agro-forestiers, les paysages, les ouvrages hydrauliques, l'assainissement, les ports, les installations de production énergétique). Cette déterritorialisation a transformé les habitants en consommateurs individuels, en clients d'un marché, et les lieux en sites voués à des fonctions qui servent la logique des réseaux globaux. L'urbanisation de la planète qui engendre ce processus est catastrophique. Elle conduit à la fin de la ville par la mutation anthropologique qu'elle produit. Plus encore, elle est éco-catastrophique par ses effets sur le climat, sur la consommation de sol fertile, sur les écosystèmes, liés à son ampleur, sa vitesse et ses formes.
Si cette urbanisation n'est pas la terre promise, inous pouvons l faut alors aller à la recherche des formes due contre-exode. Les lieux périphériques et marginaux font preuve d'une résistance accrue à leur extinction crépuscule et à leur enfrichement. Des nouveaux agriculteurs favorisent leur repeuplement, alliés à des citoyens soucieux de construire une nouvelle civilisation urbaine et rurale. Le contre-exode est à la fois matériel et culturel.
Il est un « retour au territoire en tant que bien commun », pour ré-animer des lieux, retrouver la mesure des villes et des établissements humains. Cela demande de faire grandir la « conscience des lieux », pour reconstruire des relations de synergies entre les établissements humains et l'environnement; pour promouvoir de nouvelles façons conviviales et sobres d'habiter et de produire, ; pour valoriser une citoyenneté active, des réseaux civiques et des formes d'auto-gestion des biens communs capables de fabriquer une richesse durable en chaque lieu du monde.
L'outil conceptuel et opérationnel que nous proposons pour initier ce «retour au territoire» est la biorégion urbaine. C'est un moyen de redessiner, à contre courant, les relations entre les établissements humains et l'environnement , en choisissant et en mettant en oeuvre, comme dans la construction d'une maison, les « éléments constructifs » du projet de territoire. Ces matériaux de construction sont, à l'échelle du territoire:
- les cultures et les savoirs locaux contextuels et experts, capables de réactiver l'ars aedificandi;
- les équilibres hydrogéomorphologiques et la qualité des réseaux écologiques, conditions préalables à l'établissement humain;
- les centralités urbaines polycentriques et leurs espaces publics (villes de villages, réseaux de villes) dont la reconstruction implique l'abandon du modèle opposant centre et périphérie lèeééet la reconstruction de centralités urbaines polycentriques et de leurs espaces publics (villes de villages, réseaux de villes;
Des systèmes économiques locaux dont le développement tient compte de l'augmentation de la valeur des biens patrimoniaux ;
- les ressources énergétiques locales dont la valorisation intégrée soutient l'autoreproduction de la biorégion - les espaces agro-forestiers à vocation multi fonctionnelle pour la requalification des relations ville-campagne et la réduction de l'empreinte écologique;
- le développement de systèmes économiques locaux tenant compte de l'augmentation de la valeur des biens patrimoniauxla valorisation intégrée des ressources énergétiques locales pour l'auto-reproduction de la biorégionla vocation multifonctionnelle des espaces agro-forestiers pour la requalification des relations ville-campagne et la réduction de l'empreinte écologiqueles institutions de démocratie participative et les formes de gestion sociale des biens communs territoriaux pour un autogouvernement de la biorégion.
Le projet de biorégion fait référence à des expériences en cours dans des régions d'Europe où l'urbanisation a déjà atteint un seuil critique. Elles nous indiquent des voies à suivre pour contenir le grand exode vers la mégacity, en opposant la vision d'une planète fourmillant de biorégions en réseau, et pour une « mondialisation par le bas » fondée en chaque lieu sur la gestion collective du territoire, ce bien commun.
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Femmes, corps et révolution ; Rosa Luxemburg, Clara Zetkin, Aleksandra Kollontaj, Lacis
Collectif
- Eterotopia
- Rhizome
- 10 Novembre 2020
- 9791093250427
Quatre femmes de nationalités différentes, de langues différentes, traversent les années tumultueuses de la révolution bolchevique. Elles s'appellent : Rosa Luxemburg, Clara Zetkin, Alexandra Kollontaï et Asja Lacis. Elles sont des militantes, des artistes, des activistes et chacune d'elles apportera une contribution spécifique et originale à la révolution. Elles sont des femmes et leur regard est plus libre, intéressé à mettre l'accent sur la dimension de la vie, des passions, de la créativité et du féminisme des premiers temps. Rosa Luxemburg, fondatrice de la Ligue de Spartacus questionnera les structures de pouvoir envisagés par les Soviets, elle luttera dans l'Allemagne épuisée de l'après-guerre pour affirmer le regard puissant et compatissant de ceux qui partagent la condition de l'oppression. Clara Zetkin fera de la bataille pour les droits des femmes un élément d'affirmation spécifique de la condition féminine qui ne peut pas être réduite à la seule lutte de classe.